UNESCO : LE FEST-NOZ
inscrit au patrimoine de l'Humanité
inscrit au patrimoine de l'Humanité
ou
Flaubert n'a jamais rien compris à la Bretagne
A l'heure où le Fest-noz est à l'honneur, de part son inscription au patrimoine immatériel de l'humanité par l'Unesco (lire : *) , revenons sur les bancs de l'école , le temps d'une dictée dont le titre évocateur n'est autre que "Danse Bretonne" et l'auteur de cette torture "Gustave Flaubert". Laissons-nous aller au gré des rêveries et propos de la fillette accompagnant ce texte rempli d'embûches....
Nous sommes aujourd’hui le 16 décembre,
plus précisément, le
mercredi 16 décembre 1953
et comme tous les mercredis, nous venons de subir
l’épreuve tant redoutée de...
D’accord, le temps n’engage pas à la rêverie.
Derrière la vitre, aucun oiseau bleu ne vient nous
distraire.
Le ciel est gris, gris, gris. Je vous raconte.
Toutes les filles
affichaient le même air résigné en s’asseyant à leurs tables. D’ailleurs, la
prof a bien pris soin de séparer les « inséparables » et j’ai rejoint, « la
mine triste et les joues blêmes », le premier rang auprès d’une camarade à
lunettes, Annick, une interne mélancolique et taciturne avec laquelle
j’échangerai mon cahier au moment de la correction. Pas de bavardage possible,
pas le moindre chuchotement, pas de connivence, rien. Pour le moment, on entend
le ronflement du poêle à bois et le raclement des chaussures sur le plancher,
c’est tout.
Et voici que monte la voix claire de la prof.
« Danse bretonne ».
Un ton plus bas ;
« à la ligne ».
« Danse bretonne ».
Un ton plus bas ;
« à la ligne ».
La voix s’installe, haute, distincte, bien
timbrée.
« Le soir même, nous allâmes dans un village des environs, voir
l’inauguration d’une aire à battre. »
Depuis le temps que nous pratiquons
l’exercice, nous savons que ces silences marquent la virgule.
Notre lectrice
baisse le ton à la fin de phrase et termine :
« point » ;
donc majuscule à
suivre.
A croire qu’elle a choisi son texte pour nous faire bisquer.
Dimanche, il y a bien eu bal à Guémené mais nous avons dansé au son du Modern’
Jazz, la valse et le tango, la java et le charleston. Autre chose que « ses »
deux binious et « ses » danseurs qui courent au petit trot. Bon, voila que j’ai
collé un « s » à trot. Et la queue du loup, qu’est-ce qu’elle vient faire
là-dedans ? Chez nous, on dit à laqueue-leu-leu, non ?
" Ceux qui ne voulaient
plus danser s’en allaient, sans que la danse en fût…"
J’ahane lamentablement
pour suivre la cadence. Tandis que je tourne la page, je me fais la
réflexion que les danseurs ont bien de la chance, eux. Ils se retirent quand ils
sont fatigués ! Nous, pas ! Nous grattons laborieusement le papier avec nos
plumes sergent major chargées d’encre violette quand sonne un péremptoire rappel
à l’ordre :
« Veillez à l’écriture, mesdemoiselles ! N’est-ce pas Paulette !
»
Changement de page, je poursuis et m’applique : « sans que la danse en fût…
Point, à la ligne. »
Je reprends mon souffle, moi aussi. Bon,
en voila une bonne moitié de tirée !
Oui, vous avez bien lu ! Les heureux
sonneurs s’accordent la pause cidre, tandis que nous…
« A l’entrée de la cour,
sur une table, on vendait des noix; point virgule ;
à côté, un broc d’eau de
vie ; point virgule ;
par terre, une barrique de cidre. »
Barrique, ça prend
deux r ou un seul ? Oui, Thérèse en a mis deux. Et redingote, deux t ou un seul
? J’arrive discrètement à sonder ma voisine en profitant d’un moment où la voix
s’amortit, s’étrangle, se meurt au fond de la classe. Mais voici qu’elle
s’élance et conclut dans un vibrant trémolo :
« C’était le commissaire de
Pont-L’abbé avec son garde-champêtre. »
J’ai eu chaud ! Pour un peu je me
faisais pincer.
Ah ! Avec quelle joie, j’écris ton nom, Gustave, qui met un
point final à la corvée !
Maintenant relecture à voix lente et
posée tandis que reprend l’ondulante déambulation au travers des allées. Notre
chère lectrice regagne sa chaire (hi ! hi !). Nous disposons de cinq minutes
pour nous relire et corriger d’éventuelles fautes.
Le protocole est respecté. La
prof nous relit le texte à « haute et intelligible voix » le temps d’une
ondulante déambulation au travers des allées. Quand elle regagne sa chaire,
nous disposons de cinq minutes pour nous relire et corriger d’éventuelles
fautes.
CORRECTION
C’est terminé, nous échangeons les cahiers. Annick m’a compté 3 fautes
1/4 ; brave fille, elle ne s’est pas arrêtée sur cet étrange « exercise » ni
sur un T majuscule égaré dans les files qui tournaient, et on a toléré le son
criard de « leur instrument » au singulier.
Maintenant, je vais recopier les
corrections autant de fois que nécessaire pour me les graver dans le crâne :
…
du moins si Flaubert n’a pas forcé sur le cidre et confondu bombarde et biniou
!
Je me prends à rêver que dans 50 ans on se croisera et s’entrecroisera sans
tiret et sans cérémonie.
Un tréma, un tréma, et pourquoi pas un dièse ?
Et le
garde-champêtre, même pour 1/4 de faute, celui-là aussi mériterait de perdre
son tiret quand le garde forestier n’en a point !
Claquement des mains ! " Allons
Mesdemoiselles !"
On enchaîne avec les questions qui portent sur la
compréhension du texte et la grammaire. Encore une heure à se torturer les
méninges. Je vous fais grâce et vous épargne cette épreuve.
Mais, quand vous
croiserez Flaubert par les champs et par les grèves du côté de Carnac et de ses
gros cailloux, ou quand vous flânerez chez Henriot à Quimper, ne songez pas
seulement à notre patrimoine immatériel de l’Humanité. Ayez aussi une pensée
pour nous, les pauvres écolières qui suèrent, séchèrent, pâlirent et
défaillirent ce 16 décembre 1953 au sujet d’une danse bretonne qui n’avait pas
même l’élan de la gavotte pourleth.
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10/10
RépondreSupprimerGustave Flaubert était un normand et devait sourire en voyant les petites bretonnes souffrir devant leurs copies.
RépondreSupprimerBravo pour cette dictée dans le contexte et pour ce site.
on en a mangé des dictées qui nous permettent de ne pas faire trop de fautes . le secondaire , en ce qui me concerne était après à cette image un peu coincé sans trop d'épanouissement
RépondreSupprimerà peu près au lieu d'après
RépondreSupprimerComme tout le monde,j'ai fait partie des "torturés";cela m'a d'ailleurs réussi...puisque j'ai pu à mon tour devenir "tortionnaire"(nettement moins stressant,je l'avoue!!!!)...cependant,je n'ai aucun remords,car c'est un mal nécessaire...
RépondreSupprimerEn tout cas, BRAVO!c'est criant de vérité...et "on s'y croirait!"...