24/09/2018


LES LOUPS SONT À PERSQUEN


Il y a 155 ans, les fusils exterminèrent les derniers loups de Persquen.

            Ainsi qu’on le lira ci-dessous, un procès-verbal du maire certifie le fait et permettra aux chasseurs de toucher leurs primes auprès du sous-préfet.


Bien que l’écriture ne souffre pas de difficultés majeures, pour faciliter la lecture nous donnons une copie en caractères d’imprimerie avec une ponctuation plus claire.

« L’an mil huit cent soixante-trois, le vingt-six septembre, nous, maire de la commune de Persquen, arrondissement de Napoléonville, certifions que les sieurs : Nicolo Yves, demeurant au bourg de cette commune, nous a présenté une louve non pleine âgée d’environ 4 ou 5 ans ; et Le Dily Louis demeurant au Kersquer en cette commune, nous a présenté un louveteau ; qu’ils ont déclaré avoir tués le vingt-six de ce mois au moyen des fusils. Nous certifions en outre que les pattes antérieures droite de ces deux animaux a été détachées en notre présence pour être adressées à Monsieur le Sous-Préfet de Napoléonville en même temps que le présent Procès-Verbal pour que les nommés : Nicolo Yves obtienne la prime de quinze francs à laquelle il a droit, et le nommé Le Dily Louis obtienne la prime de six francs à laquelle il a droit. Ces animaux ont été tués au même moment au bois de Cosquodo en cette commune. Fait en mairie de Persquen les jour et mois et an que dessus. Le maire.
                 Jh Allanic »



         Donc, l’événement se situe sous le Second Empire, Napoléon III empereur                                 
 A cette époque, le loup, accusé de tous les méfaits possibles et imaginables, était considéré comme le prédateur majeur des brebis et partageait avec le diable et l’ankou le masque terrifiant des contes à la veillée. Le monstre attaquait les femmes et les petits enfants, surtout vêtus de rouge, comme chacun sait. Néanmoins, il existait des variantes. En Russie, Prokofiev rapporte en musique que le loup mangeait aussi les canards mais Pierre lui réglait son compte avec l’aide astucieuse de son ami oiseau.
La Bretagne, si on en croit l’image suivante, s’en tirait sans trop de casse. Le loup aimait la pâte à crêpes et attaquait sournoisement Perrette ; la pauvrette, bousculée, se retrouvait assise près du pot brisé, et, ayant tout perdu, en était réduite à prendre le pan de son tablier pour essuyer ses larmes. Nos jeunes gens dévoués et hardis pistaient alors le coupable, couraient et levaient le bâton en cadence, comme à la parade ; à en perdre son chapeau ! Notez bien que l’observateur scrupuleux ne montre qu’un arrière-train de la bête délictueuse au point que le chien du voisin a tout intérêt à se faire oublier…  

            On ne sait pas si l’écologie perçait déjà sous Bonaparte. C’est peu probable. Victor Hugo, exilé à Jersey,  fustigeait dans le recueil « les châtiments », celui qu’il nommait « Napoléon le petit », le président de la République élu qui trahit son serment et se fait empereur par un coup d’état. Entre autres morceaux, « Ultima verba » mais aussi « le manteau impérial ». Il y exhorte les abeilles, filles de lumière, à quitter la symbolique parure et à châtier l’immonde trompeur. Hugo choisissait le parti des abeilles, Vigny était fasciné et bouleversé par la mort du loup. Rêveurs ! Moralistes ! Depuis Louis-Philippe, le roi des Français à tête en forme de tirelire, le mot d’ordre était déjà : « enrichissez-vous ! »
Ainsi donc, les loups ont perdu progressivement leur patte avant droite et on n’en entendit plus parler sauf pour effrayer les tout petits enfants. Jusqu’au jour où un génie américain s’en vint quérir une patte conservée à Pontivy dans un cabinet de curiosités, proche la sous-préfecture. Du moins, c’est ce que j’entendis raconter le premier avril 1993 par un ami anglais ; il venait de lire « The Independant », un journal sérieux généralement bien informé, qui annonçait par ailleurs que des archéologues avaient mis au jour les ruines du village gaulois d’Astérix précisément à l’emplacement annoncé dans ses albums par René Goscinny. Donc, pour en revenir à nos moutons, ou plutôt à la patte de loup, à partir de ce vestige, le génie reconstitua l’animal tout de vrai. Prodigieux ! Même pelage, même pantalon, même chapeau, même œil farouche. Et voilà le résultat : « Qui a peur  du Grand Méchant Loup ? » 


Walt Disney était toujours le plus fort !

Pas si sûr ! Depuis, on a progressé et sérieusement. Fini le temps des crayons et des pinceaux du grand Walter. Finis l’illusion, l’écran de fumée du prestidigitateur ;  finis la cornue, le creuset, le mortier, le pilon du Dr Faust. En 1996, chacun s’en souvient, on a cloné la brebis Dolly qui vint au monde en Ecosse. Quelle divine startup nous clonera le « bon » loup qui ne mangerait que Dolly et ses sœurs ? Plus d’ours, plus de loups dans nos montagnes, un spectacle par jour dans le parc animalier dernier cri, sans odeur, climatisé, à petit prix pour les familles, restaurant Mc Do compris. De quoi réconcilier l’écologie et les bergers, la chèvre et le chou, le chasseur et l’alouette, le macareux et le mazout, le porte-conteneurs de 400 m de long et la mer qu’on voit danser « le long des golfes pas très clairs ». J’en passe, et des pires…
Persquen* n’ouvrira pas de parc animalier, c’est sûr. Mais pourquoi n’hébergerait-il pas le parc régional que le Pays Pourlet devrait imaginer en s’appuyant sur ses atouts incontestables : lumière, paysages, patrimoine architectural et culturel, histoire, bonne humeur ?


Mieulx est de ris que de larmes escripre,
Pour ce que rire est le propre de l'homme.







* Vous avez dit singularité du pays pourlet ? Un jour, le jeu des mille euros apporte enfin une réponse à la question que nous nous posons tous depuis notre naissance : pourquoi on prononce nos villages dont le nom finit en « en » ici ène et là ain. Réponse : ène sur le littoral et ain à l’intérieur. Pont-Aven, Erdeven, oui, c’est sur la côte ; Pleyben, Rostrenen, Lesneven, Elven, Quelven, oui, à l’intérieur. Mais pas Persquen, ni la Motten, ni Kernascleden ! Cas très particuliers. Les candidats du jeu ont chuté ; ils peuvent poser une réclamation…



Remerciement chaleureux à Mme Anne Guégan-Allanic
qui nous communiqua le document signé par Joseph Allanic, son trisaïeul.

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