30/01/2016





PAYS de GUÉMENÉ

l’école de danse de Kernascléden


Notre blog est heureux de vous offrir de la bonne humeur, de la gaieté, de l'entrain avec un sujet conté avec bonheur par un de nos fidèles amis . Nous voilà transportés au début du XXème siècle à l'époque des expositions universelles . Et le Pays Pourleth dans tout cela ? Eh bien, c'est à vous de le découvrir en lisant ce texte bien rythmé. Bonne lecture ! 





PROLOGUE

Une école de danse à Kernacléden ?
Je rêve !
Non, Môssieu, vous ne rêvez pas.
On aura tout vu !
Non, vous n’avez rien vu.
On l’aurait su !
Vous ne savez pas tout !
Voilà qui cherche à moquer notre village !
Oh que non ! Si j’avais voulu aimablement l’égratigner, j’aurais évoqué la chauve-souris  et encore, car après tout, elle nous ramène à l’opérette de Johann Strauss et donc à la valse, la danse.


CONTE DE MA FAÇON

De fait, ça se passait dans un temps pas si lointain pour nous autres, tout juste un siècle et quelques ans. Vous savez, on appelait cette époque la Belle Epoque. Paris était la capitale du monde, le creuset de la mode et des arts. Qu’elle croyait. Elle recevait toutes les nouveautés d’Amérique et les mettait au goût du jour. Tiens, le cirque ! Vous avez tous entendu parler du cirque Barnum ; mais ça c’était déjà révolu. Non, cette année-là vint se donner à Paris le « Nouveau Cirque » qui présentait, entre autres, un numéro dit « cake walk », la danse du gâteau interprétée par « les enfants nègres »….

… et leurs parents
Il s’agissait d’une danse populaire née parmi les Noirs de Virginie (chez les Sudistes), pour imiter avec ironie, l’attitude de leurs maîtres se rendant au bal. Ça se passait généralement le dimanche ; les esclaves profitaient de l’absence des colons pour inventer des rythmes issus de leur culture africaine et ils vivaient intensément ces moments de détente. Certains maîtres conciliants assistaient à ces rendez-vous dansants et récompensaient les meilleurs danseurs par un gâteau, d’où le nom de « cake-walk » donné à ce type de danse syncopée en forme de marche.
Le rythme du cake-walk fut repris par le rag-time, bien connu de nos parents zazous des années 30 et toujours apprécié... ouvrez tout grand vos oreilles sur un air bien connu dans la 2ème partie du film.

Musique !


L’exhibition fut, bien entendu, reprise au Music-Hall et donna lieu à diverses interprétations d’artistes parmi lesquelles on aura l’étonnement de trouver Marthe Richard l’aventurière du demi-monde puis du grand-monde connue pour avoir fait « fermer les maisons closes », une performance.

Appréciez la gestuelle ! Les sœurs Pérès sont exquises, marquise.
Bien entendu, la danse qui faisait fureur fournit matière aux caricaturistes d’épingler les sommités du moment, du monde entier et de la République, en les croquant dans les attitudes les plus fondamentales du cake-walk.
Ici le président de la République de l’époque, Emile Loubet (septennat 1899-1906), et le roi d’Angleterre suivi de son porte-sabre.



Le même Emile Loubet et le roi d’Espagne Alphonse XIII.


Bien, me direz-vous, cela est bel et bon mais quel rapport avec Kernascleden ? 
Patience, on y vient.
Vous n’ignorez pas, ou si vous l’ignorez précipitez-vous au chapitre 
« Jour de fête à Kernascleden »
présenté sur ce même blog (revoir cette page *), que l’éditeur de cartes postales Armand Waron profita d’une troupe extraordinaire d’acteurs locaux pour enregistrer les saynètes les plus hilarantes qu’on put trouver dans tout le pays breton et peut-être même en France. Ce qu’on ne savait pas c’est que ces acteurs étaient de remarquables artistes de l’école de danse de Kernascléden et qu’ils connaissaient tout autant le répertoire parisien, afro-américain, que la gavotte pourlette. J’en fournis la preuve avec cette dernière trouvaille.


Vous reconnaissez, je pense, nos amis Jobic et Morvan,
l’un ouvrant la marche et l’autre la fermant, 
et le tad coz du centre mêlé à l’ancien conte.


« Le Cake-Walk dansé par des Bretons », écrit Waron.
Ouais, Armand, et pas n’importe lesquels !
Vous aurez noté, je pense, la belle ordonnance de la danse, avec une presque parfaite parité, 3 ladies intercalées entre 4 hommes avec juste le brin de fantaisie pourlette ; on ne va quand même pas copier l’Opéra Garnier ! Comme il se doit, la première danseuse suit le premier danseur et, pour marquer son autorité de petit rat de l’Opéra des champs, elle porte en sautoir son étoile.


Vous me direz que l’étoile a des allures de croix de Malte mais on fait ce qu’on peut ; je ne vais quand même pas lui inventer une généalogie avec des Chevaliers d’un ordre hospitalier et militaire. Je regrette surtout que cette jeune artiste timide masque son doux visage derrière sa menotte.
Il en va tout autrement de ses aînées qui tiennent le tempo en se fendant la poire comme Louis Armstrong.


Les cavaliers ne sont pas en reste. Jobic  déploie toute son envergure et est bien près de s’envoler (comme une chauve-souris). On voit mal et c’est dommage. Il tient entre ses bras un appareillage compliqué, une sorte de guirlande rustique complétée de son chapeau qui scande ses inspirations profondes.  


Le danseur n° 2 a le geste moins ample, tout entier concentré sur le collier exotique qui brille devant son regard de marron bretin, pardon de marin breton, égaré ou perdu dans les mers lointaines.



Quant à Morvan, il a saisi son fouet à deux mains pour s’en faire un guidon ; la tresse qui pend en boucles harmonieuses lui sert manifestement de fil à plomb dans l’exercice quand il doit rassembler ses jambes au moment de l’entrechat chaloupé.


Vous serez d’accord avec moi pour dire que les attitudes de nos artistes soutiennent la comparaison avec les canons de la danse telle qu’elle a été portée en scène par ses propagandistes à Paris. En voici un dernier aperçu illustrant la théorie.
La dame et le monsieur, penchés en arrière autant que possible avancent en dansant, 
les bras suivant les mouvements du corps. 
Et pour ne rien oublier, voici la musique.
Les artistes vous saluent bien.




ÉPILOGUE

Les danseurs américains ont la part belle, eux, mocassins, claquettes et souliers fins sur le parquet ciré ! Tandis que nous, on se gagne le gâteau en frappant la cadence de nos sabots sur le plancher des vaches !  Mais on s’en moque, personne n’a jamais fait aussi bien les quatre-quarts que cousine Henriette !


LE MOT DE LA FIN

A ma connaissance, le vélo qu’on voit appuyé sur la charrette au second plan ne joue aucun rôle dans la présente danse. C’est la bécane à Jobic. On trouvera sans doute un jour, un autre cliché de Waron où le joyeux luron éclaboussera à nouveau le monde de son talent rare d’amuseur public.


2 commentaires:

  1. J'habite St Brieuc et le hasard d'internet m'envoie sur cette belle page et
    pas de commentaire pour ce type d'humour me surprend . c'est fin et subtil et d'époque . Armand Waron me plait et son humour déjanté pour l'époque ... un homme informé , rare secouant l'habitude , permettant les fantaisies . Merci .

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  2. nouvelle tentative, je rate à chaque fois le test robot
    J'ai encore mes sabots pour aller danser...
    A cet époque on aimait la rigolade à Kernaz. encore bravo

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