01/04/2013

 


C'ÉTAIT IL Y A 80 ANS...
la Mi-Came
 
La Mi-Carême est l’événement majeur des fêtes du trimestre. 
Après les coups d’essai réussis de 1922 et 1923, puis la pause inexpliquée de 1924,
on a remis l’ouvrage sur le métier pour le plaisir renouvelé des visiteurs.

 
A partir de 1926, la fête devient une institution
 
Reprenant les traditions, elle célèbre la venue du printemps. Le « bonhomme hiver » est personnifié par le « Père Mathurin », pauvre mannequin de paille couronné, traîné sur son char dans la ville, conspué par la foule avant son jugement et son exécution. Il partage la vedette avec la Reine, leurs chars sont hors concours. Celui des princesses vibre des airs du répertoire pourleth joués par un couple de sonneurs, biniou et bombarde, ce dernier n’étant autre que M. Hubert (sa renommée est telle qu’il compte parmi les sonneurs les plus demandés des mariages du pays). Tout au long du parcours, la Musique Municipale, la vénérée et emblématique « Cipale » anime le cortège (jusqu’en 1929, date à laquelle Mme Herlet, l’épouse du chef, prend sa retraite de l’Education Nationale, ce qui provoque le départ du couple).
La formule s’essouffle on ne sait trop pourquoi, craint-on les accidents, les débordements ? Toujours est-il qu’en 1930, le Père Mathurin V, bien mal en point, est transporté à l’hôpital d’urgence par une bande dynamique de copains. C’est sa dernière apparition ; à titre de consolation, il enlève le 1er prix des groupes.

 
L'essentiel du cérémonial est désormais consacré aux majestés

La réception en mairie marque l’ouverture de la fête ;
 leur char est le clou du spectacle . 
Elles dansent la première gavotte place des Halles à l’issue du défilé et des trophées ; elles ouvrent le bal masqué du soir qui a lieu à la salle des fêtes de l’école des filles, entraîné par le « Jazz Moderne » de Rostrenen. La Cipale n’ayant pas survécu au départ de son chef, on fait appel à la musique de Baud, dite « Harmonie » puis « Fanfare ».
 
Une nouvelle vedette impose sa présence dans le cortège, le bœuf gras, gros lot de la tombola.
 
 
 
- 1933 -

En 1933, la réunion préparatoire se tient en mairie, le samedi 21 janvier,
présidée par Joseph Daniel, conseiller municipal. Routine :
 
1) On fixe la fête au 19 mars. 2) On reconduit le comité sortant : présidents d’honneur, MM Raude, député maire, André Le Coguic, 1er adjoint ; président, Joseph Daniel ; vice-présidents, Paul Le Bourlais, adjoint, et François Trébuil, commerçant ; secrétaire-trésorier, Francis Queudet, secrétaire de mairie. 3) On arrête au samedi suivant l’élection de la reine et des demoiselles d’honneur. 4) On maintient la tombola du bœuf-gras organisée au profit du bureau de bienfaisance et de la caisse des chômeurs, et, sans attendre, on lance une quête auprès de la population. Ça roule ma poule !
 
 
 
L’opération commerciale embraye
et le photographe Le Guernével passe illico une publicité dans l’Ouest Républicain


La presse départementale emboîte le pas. Le 9 février, l’Ouest Républicain s’autorise à publier un avant-programme classique qui prévoit la réception de la Reine à 13 h 30 à la mairie, le défilé carnavalesque ; seule nouveauté, il y aura 2 bals du soir, l’un au Modern Dancing, l’autre à la Pomme d’Or.
 
 
En fait, la presse retarde sur l’actualité, la séance du 28 janvier a pris un tour inattendu. Qu’on en juge !

Le 16 février
l’Ouest Républicain rapporte un étrange communiqué :
Mystérieuse disparition ! La Reine enlevée par un inconnu.
 
Un coup de théâtre vient de se produire. La Reine choisie dernièrement a disparu, enlevée par un inconnu. Le Comité, réuni dans l’urgence, a donné mission aux gardes-champêtres de Ste Christine et de Toulbado, de chercher le ravisseur et, s’il n’est pas trouvé, ils seront destitués de leurs fonctions. Cette disparition mystérieuse a causé une grosse émotion dans la capitale « pourlette ». Les langues se délient mais… Chut ! Pas trop d’indiscrétions, nous aurons bientôt de plus amples détails que nous nous empresserons de faire connaître.


Mais que s’est-il donc passé le 28 janvier ?

Suivant la tradition orale, nous croyons savoir que les jeunes filles guémenoises auraient refusé de se présenter à l’élection. Les raisons de la fronde ne sont pas connues, du moins elles ne furent pas révélées au public. Ou bien les filles étaient-elles de connivence avec les gars ?
Pris à contrepied, le Comité des Fêtes ne sombre pas dans confusion et la risée. Pensez donc ! On a trouvé une alternative que rapporte le Journal de Pontivy dans son édition du 26 février. Fi de la réception de la Reine ! Pour l’ouverture de la fête, le Comité réceptionnera en grandes pompes le ravisseur arrêté dans le maquis par les fins limiers qui l’ont pisté.


Mais l’événement laisse des séquelles dans l’esprit du correspondant local. Il en vient à nous servir un joyeux galimatias où il évoque une fête pour le jeudi 23 au cas où la mi-carême ne ressemblerait pas au dimanche gras. Encore un qui a abusé du cidre et de l’andouille de Guémené !

Autre son de cloche à l’Ouest Républicain. Le 5 mars, son correspondant annonce une soirée dansante dédoublée en l’honneur de la Reine retrouvée (ravie et retrouvée ou retrouvée ravie ?). Il nous apprend que le bœuf gras, gros lot de la tombola, sera promené sur son char. Oh la la ! Le cheval chargé du transport va ruer dans les brancards !


Le 19 mars, le correspondant local en rajoute dans le grand frisson,
il annonce que le ravisseur sera jugé et exécuté.
Le bûcher, comme un vulgaire Père Mathurin d’antan !


 
Vous vous demandez sans doute comment tout ça s’est terminé ?
Vous le saurez en lisant les prochains numéros.
Chaque organe de presse y va de son compte-rendu le dimanche 26 qui suit la fête.
 
  
Celui du Journal de Pontivy est bref
 
 
Il signale qu’on n’a pas eu beau temps mais que la cavalcade a néanmoins remporté son succès habituel. Elle s’est mise en marche à 14 h après l’arrivée du ravisseur de la Reine, encadré par deux gardes champêtres. Les chars étaient nombreux et rivalisaient d’originalité et de sens artistique (la formule est jugée tellement heureuse qu’elle sera reprise à peu près tous les ans). La journée se termina par des bals parés et travestis dont les danses étaient rythmées par les bombardes et cornemuses.
 
L’Ouest Républicain est plus prolixe
 
La cavalcade a obtenu le succès escompté et attira une foule considérable. Les visiteurs ne furent pas déçus et chacun se retira enchanté de sa visite à Guémené.
A 13 h 30, les chars se rassemblent allée des soupirs. A ce moment, arrive, encadré par les gardes champêtres de Toulbado et de Ste Christine, le ravisseur de la Reine. Vers 14 h, le signal du départ est donné.
Le cortège, vraiment magnifique, comprend des chars et des groupes costumés. Les constructeurs ayant rivalisé d’ingéniosité et de bon goût, méritent sans exception des compliments. Les chars sont tous à citer, soit pour leur originalité, leur sens humoristique ou leur aspect artistique. D’abord la fanfare (de Baud), le Puits des Commères, un Pierrot, les Vainqueurs, les Berceaux de Venise, le bœuf-gras, Voici le printemps, Ronde des Korrigans, le Potager Normand, le Ravisseur de la Reine, l’Enfer, En route pour St Houarno, etc.
Le soir, des bals masqués et travestis réunirent une foule nombreuse et gaie qui tourbillonna joyeusement au son d’excellents jazz.

 
oooo
 
Voila qui est bel et bon
Mais avant de lire le palmarès,
vous aimeriez vous faire une idée de l’ambiance de la fête, n’est-ce pas ?
Par chance, nous disposons d’une série de photos prêtées par plusieurs collaborateurs.



 

LES ILLUSTRATIONS
 
D'abord la pause au bas de la Grande Rue, probablement le char
 
" VOICI le PRINTEMPS "
 

Le char mêle les fleurs et les gracieux papillons mais on n’a pas oublié d’y mêler un zigoto au long nez caché sous son chapeau, personnifiant peut-être les giboulées de mars. Le décor est bien reconnaissable. Notons la toile de tente près de la boucherie Curet, témoignage du petit commerce marginal qui accompagne les festivités, confetti, serpentins, etc.


 


Précédant ce char, on trouvait un groupe de Suffragettes Révolutionnaires portant la cocarde tricolore.
Sont-ce les filles rebelles qui ont boycotté l’élection de la reine ?
 


Un peu plus bas, rue de la Laine, près du (défunt) café Guillaume Le Bourlais, voici le char des
" PETITS MÉTIERS "
 accompagné de ses vaillantes petites ouvrières, modiste (Eugénie Mahé), boulangère, infirmière, etc.



Les mêmes avec un groupe de Pierrots et Pierrettes, juste décalés par rapport au célèbre bistrot.


Parmi les adultes, l’homme à moustache,
Hubert,
joueur de bombarde émérite, fidèle sonneur du char de la Reine, en chômage technique cette année.
 
 
Le cortège continue de descendre vers le Scorff.
Arrêt devant l’église (d’autres diront entre l’hôtel du Scorff et le café pointu). D’abord un groupe spectaculaire : un paysan en blouse chevauchant une grosse moto, transporte dans ses bagages un lapin. Le gamin au béret enfoncé jusqu’aux oreilles en est tout ébahi.


Elargissons le débat pour apprécier la scène et identifier le scénario. De fait, le motard a un complice équipé de même manière et chaussé de gros sabots. Ce comparse, paysan finaud, " p’têt ben qu’oui, p’têt ben qu’non ", comme qui dirait un prestidigitateur à la mode rurale, fait jaillir d’un côté le lapin de sa musette, de l’autre une poule et un canard de son panier. Assurément, on est en plein " Potager Normand ".



Bien ! Vous attendiez des nouvelles du ravisseur de la Reine.
 
Il arrive, il va passer aussi par là. 
Dans l’image qui suit, vous reconnaitrez sans peine le même décor, en particulier le groupe sur le bord de l’église et la voiture stationnée plus haut. Reste à faire connaissance avec ce char et ces louches individus à grosses têtes. Les deux pandores à képis galonnés sont bien sûr les gardes champêtres de Toulbado et de Ste Christine, les « ceusses » qui ont mis la main au collet du ravisseur. Son éminence moustachue est probablement le juge suprême. Et, regardez bien, on aperçoit dans la lucarne, la bouille curieuse et un brin moqueuse du ravisseur. Peinard dans sa cellule, il contemple le paysage et se fait promener aux frais de la princesse (à défaut de reine).
 
 
 
Mais qu’a-t-il fait de ladite Reine ravie ?
 
Vous le saurez plus loin.
Pour être complet, signalons que le char bénéficie du concours des sonneurs, biniou et bombarde, qui donnaient régulièrement l’aubade aux majestés guémenoises les années précédentes. Moralité : Hubert n’était pas au chômage technique quand il posait plus haut avec les « Petits Métiers », mais en permission de détente dûment signée par les rrreprrrésentants de la loi à grosse tête.



On aimerait poursuivre la visite du cortège, mais nous manquons de documents et il pleut. Vous avez remarqué comme moi les parapluies. Nous allons retrouver plus loin les personnages de cette tragi-comédie. D’abord les « autorités » qui tiennent le bas du pavé de la Grande Rue là où posait le gai Printemps. Dommage ! L’image est trop petite, on ne voit pas bien les trognes, en particulier celle du chacal en manteau.



Et finir par un grand éclat de rire.
Voici le ravisseur dans son déguisement usurpé, l’ami Pichodo entouré de ses copains (à droite Pierre Le Bihan). Il n’a pas ravi de reine puisqu’il n’y en eût pas d’élue cette année, mais il a chipé les oripeaux symboliques, en particulier l’écharpe. Avouez qu’il aurait mérité le diadème !


Alors, ça vous a-t-i plu ?
 
 
 

VOICI le PALMARES :


Chars :
1er prix : Ronde des Korrigans, 200 F
2ème prix : Voici le printemps, 180 F
3ème prix : le Puits des Commères, 160 F
4ème prix : Retour de Nice, 140 F 
5ème prix : Potager Normand, 120 F 
6ème prix : Retour d’âge, 100 F.

Groupes :
1er prix : Paysans normands
2ème prix : Retour de la foire
3ème prix : Les vainqueurs
4ème prixEn route pour St Houarno


Les gros lots :

bœuf-gras, génisse, mouton, coq, oie, bouteille de Champagne, andouille.

Complément rapporté par le Journal de Pontivy du 2 avril :

les gagnants des 2 gros lots, bœuf-gras et génisse, ont versé 200 et 100 F au bureau de bienfaisance.



Avis aux détenteurs de trésors photographiques
 
Vous détenez d'autres photos ou documents de cette Mi-Carême de 1933,
Grâce à vous nous pourrions compléter ce documentaire
qui est , ne l'oubliez pas, votre patrimoine.
 
 
 

2 commentaires:

  1. Quel travail minutieux en infos .
    C'est rare de trouver dans nos villages de telles documentations.
    Châpeau !

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  2. J'ai reconnu le café Guillaume Le Bourlais.....tenu par la suite par ma tante "Gegeais" Le Bourlais...La Réclame "Byrrh" est restée longtemps sur le volet....Jo Nestour nous avait déménagé là au retour de notre séjour à Pontivy....vers 1950!!!!!
    La maison n'existe plus, il y avait un piano mécanique dans une salle derrière qui servait de salle de bal......

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