La Mi-Carême est l’événement majeur des
fêtes du trimestre.
Après les coups d’essai réussis de 1922 et 1923, puis la
pause inexpliquée de 1924,
on a remis l’ouvrage sur le métier pour le plaisir
renouvelé des visiteurs.
A partir de 1926, la fête devient une institution
Reprenant les traditions, elle célèbre la venue du printemps. Le « bonhomme
hiver » est personnifié par le « Père
Mathurin », pauvre mannequin de paille
couronné, traîné sur son char dans la ville, conspué par la foule avant son
jugement et son exécution. Il partage la vedette avec la
Reine, leurs chars sont hors concours.
Celui des princesses vibre des airs du répertoire pourleth joués par un couple
de sonneurs, biniou et bombarde, ce dernier n’étant autre que M. Hubert (sa
renommée est telle qu’il compte parmi les sonneurs les plus demandés des
mariages du pays). Tout au long du parcours, la Musique Municipale, la vénérée
et emblématique « Cipale » anime le cortège (jusqu’en 1929, date à laquelle Mme
Herlet, l’épouse du chef, prend sa retraite de l’Education Nationale, ce qui
provoque le départ du couple).
La formule s’essouffle on ne sait trop
pourquoi, craint-on les accidents, les débordements ? Toujours est-il qu’en
1930, le Père Mathurin V, bien mal en point, est transporté à l’hôpital
d’urgence par une bande dynamique de copains. C’est sa dernière apparition ; à
titre de consolation, il enlève le 1er prix des groupes.
L'essentiel du cérémonial est désormais consacré aux majestés
La réception en mairie marque l’ouverture de la fête ;
leur char est le clou du spectacle .
Elles dansent la
première gavotte place des Halles à l’issue du défilé et des trophées ; elles
ouvrent le bal masqué du soir qui a lieu à la salle des fêtes de l’école des
filles, entraîné par le « Jazz Moderne » de Rostrenen. La Cipale n’ayant pas
survécu au départ de son chef, on fait appel à la musique de Baud, dite
« Harmonie » puis « Fanfare ».
Une nouvelle vedette impose sa présence dans le
cortège, le bœuf
gras, gros lot de la tombola.
- 1933 -
En 1933, la réunion préparatoire se tient en mairie, le
samedi 21 janvier,
présidée par Joseph Daniel, conseiller municipal.
Routine :
1) On fixe la fête au 19 mars. 2) On reconduit le comité sortant : présidents
d’honneur, MM Raude, député maire, André Le Coguic, 1er adjoint ;
président, Joseph Daniel ; vice-présidents, Paul Le Bourlais, adjoint, et
François Trébuil, commerçant ; secrétaire-trésorier, Francis Queudet, secrétaire
de mairie. 3) On arrête au samedi suivant l’élection de la reine et des
demoiselles d’honneur. 4) On maintient la tombola du bœuf-gras organisée au
profit du bureau de bienfaisance et de la caisse des chômeurs, et, sans
attendre, on lance une quête auprès de la population. Ça roule ma
poule !
L’opération commerciale embraye
et le photographe Le Guernével passe illico une publicité dans l’Ouest Républicain
et le photographe Le Guernével passe illico une publicité dans l’Ouest Républicain
La presse départementale emboîte le pas.
Le 9 février,
l’Ouest Républicain s’autorise à publier un avant-programme classique qui
prévoit la réception de la Reine à 13 h 30 à la mairie, le défilé
carnavalesque ; seule nouveauté, il y aura 2 bals du soir, l’un au Modern
Dancing, l’autre à la Pomme d’Or.
En fait, la presse retarde sur
l’actualité, la séance du 28 janvier a pris un tour inattendu. Qu’on en
juge !
Le 16 février
l’Ouest Républicain rapporte un
étrange communiqué :
Mystérieuse
disparition ! La Reine enlevée par un inconnu.
Mais que s’est-il donc passé le 28
janvier ?
Suivant la tradition orale, nous croyons
savoir que les jeunes filles guémenoises auraient refusé de se présenter à
l’élection. Les raisons de la fronde ne sont pas connues, du moins elles ne
furent pas révélées au public. Ou bien les filles étaient-elles de connivence
avec les gars ?
Pris à contrepied, le Comité des Fêtes ne
sombre pas dans confusion et la risée. Pensez donc ! On a trouvé une alternative
que rapporte le Journal de Pontivy dans son édition du 26 février. Fi de la
réception de la Reine ! Pour l’ouverture de la fête, le Comité réceptionnera en
grandes pompes le ravisseur arrêté dans le maquis par les fins limiers qui l’ont
pisté.
Mais l’événement laisse des séquelles dans
l’esprit du correspondant local. Il en vient à nous servir un joyeux galimatias
où il évoque une fête pour le jeudi 23 au cas où la mi-carême ne ressemblerait
pas au dimanche gras. Encore un qui a abusé du cidre et de l’andouille de
Guémené !
Autre son de cloche à l’Ouest Républicain.
Le 5 mars, son correspondant annonce une soirée dansante dédoublée en l’honneur de
la Reine retrouvée (ravie et retrouvée ou retrouvée ravie ?). Il nous apprend
que le bœuf gras, gros lot de la tombola, sera promené sur son char. Oh la la !
Le cheval chargé du transport va ruer dans les brancards !
Le 19 mars, le correspondant local en
rajoute dans le grand frisson,
il annonce que le ravisseur sera jugé et exécuté.
Le bûcher, comme un vulgaire Père Mathurin d’antan !
Le bûcher, comme un vulgaire Père Mathurin d’antan !
Vous vous demandez sans doute comment tout
ça s’est terminé ?
Vous le saurez en lisant les prochains numéros.
Chaque organe
de presse y va de son compte-rendu le dimanche 26 qui suit la fête.
Celui du Journal de Pontivy est
bref
Il signale qu’on n’a pas eu beau temps mais que la cavalcade a néanmoins
remporté son succès habituel. Elle s’est mise en marche à 14 h après l’arrivée
du ravisseur de la Reine, encadré par deux gardes champêtres. Les chars étaient
nombreux et rivalisaient d’originalité et de sens artistique (la formule est
jugée tellement heureuse qu’elle sera reprise à peu près tous les ans). La
journée se termina par des bals parés et travestis dont les danses étaient
rythmées par les bombardes et cornemuses.
L’Ouest
Républicain est plus
prolixe
La cavalcade a obtenu le succès
escompté et attira une foule considérable. Les visiteurs ne furent pas déçus et
chacun se retira enchanté de sa visite à Guémené.
A 13 h 30, les chars se rassemblent allée
des soupirs. A ce moment, arrive, encadré par les gardes champêtres de Toulbado
et de Ste Christine, le ravisseur de la Reine. Vers 14 h, le signal du départ
est donné.
Le cortège, vraiment magnifique, comprend
des chars et des groupes costumés. Les constructeurs ayant rivalisé
d’ingéniosité et de bon goût, méritent sans exception des compliments. Les chars
sont tous à citer, soit pour leur originalité, leur sens humoristique ou leur
aspect artistique. D’abord la fanfare (de Baud), le Puits des Commères, un
Pierrot, les Vainqueurs, les Berceaux de Venise, le bœuf-gras, Voici le
printemps, Ronde des Korrigans, le Potager Normand, le Ravisseur de la Reine,
l’Enfer, En route pour St Houarno, etc.
Le soir, des bals masqués et travestis
réunirent une foule nombreuse et gaie qui tourbillonna joyeusement au son
d’excellents jazz.
oooo
Voila qui est bel et bon
Mais avant de
lire le palmarès,
vous aimeriez vous faire une idée de l’ambiance de la fête,
n’est-ce pas ?
Par chance, nous disposons d’une série de photos prêtées par
plusieurs collaborateurs.
LES ILLUSTRATIONS
D'abord la pause au bas de la Grande Rue, probablement le char
" VOICI le PRINTEMPS "
Le char mêle les fleurs
et les gracieux papillons mais on n’a pas oublié d’y mêler un zigoto au long nez
caché sous son chapeau, personnifiant peut-être les giboulées de mars. Le décor
est bien reconnaissable. Notons la toile de tente près de la boucherie Curet,
témoignage du petit commerce marginal qui accompagne les festivités, confetti,
serpentins, etc.
Précédant ce char, on trouvait un groupe de Suffragettes Révolutionnaires portant la cocarde tricolore.
Sont-ce les filles rebelles qui ont boycotté l’élection de la reine ?
Un peu plus bas, rue de
la Laine, près du (défunt) café Guillaume Le Bourlais, voici le char des
" PETITS MÉTIERS "
accompagné de ses vaillantes petites ouvrières, modiste
(Eugénie Mahé), boulangère, infirmière, etc.
Les mêmes avec un
groupe de Pierrots et Pierrettes, juste décalés par rapport au célèbre
bistrot.
Parmi les adultes,
l’homme à moustache,
Hubert,
joueur de bombarde émérite, fidèle sonneur du char
de la Reine, en chômage technique cette année.
Le cortège continue de
descendre vers le Scorff.
Arrêt devant l’église (d’autres diront entre l’hôtel
du Scorff et le café pointu). D’abord un groupe spectaculaire : un paysan en
blouse chevauchant une grosse moto, transporte dans ses bagages un lapin. Le
gamin au béret enfoncé jusqu’aux oreilles en est tout ébahi.
Elargissons le débat
pour apprécier la scène et identifier le scénario. De fait, le motard a un
complice équipé de même manière et chaussé de gros sabots. Ce comparse, paysan
finaud, " p’têt ben qu’oui, p’têt ben qu’non ", comme qui dirait un
prestidigitateur à la mode rurale, fait jaillir d’un côté le lapin de sa
musette, de l’autre une poule et un canard de son panier. Assurément, on est en
plein " Potager Normand ".
Bien ! Vous attendiez
des nouvelles du ravisseur de la Reine.
Il arrive, il va passer aussi par là.
Dans l’image qui suit, vous reconnaitrez sans peine le même décor, en
particulier le groupe sur le bord de l’église et la voiture stationnée plus
haut. Reste à faire connaissance avec ce char et ces louches individus à grosses
têtes. Les deux pandores à képis galonnés sont bien sûr les gardes champêtres de
Toulbado et de Ste Christine, les « ceusses » qui ont mis la main au collet du
ravisseur. Son éminence moustachue est probablement le juge suprême. Et,
regardez bien, on aperçoit dans la lucarne, la bouille curieuse et un brin
moqueuse du ravisseur. Peinard dans sa cellule, il contemple le paysage et se
fait promener aux frais de la princesse (à défaut de reine).
Mais qu’a-t-il fait
de ladite Reine ravie ?
Vous le saurez plus loin.
Pour être complet,
signalons que le char bénéficie du concours des sonneurs, biniou et bombarde,
qui donnaient régulièrement l’aubade aux majestés guémenoises les années
précédentes. Moralité : Hubert n’était pas au chômage technique quand il posait
plus haut avec les « Petits Métiers », mais en permission de détente dûment
signée par les rrreprrrésentants de la loi à grosse tête.
On aimerait poursuivre
la visite du cortège, mais nous manquons de documents et il pleut. Vous avez
remarqué comme moi les parapluies. Nous allons retrouver plus loin les
personnages de cette tragi-comédie. D’abord les « autorités » qui tiennent le
bas du pavé de la Grande Rue là où posait le gai Printemps. Dommage ! L’image
est trop petite, on ne voit pas bien les trognes, en particulier celle du chacal
en manteau.
Et finir par un grand
éclat de rire.
Voici le ravisseur dans son déguisement usurpé, l’ami Pichodo
entouré de ses copains (à droite Pierre Le Bihan). Il n’a pas ravi de reine
puisqu’il n’y en eût pas d’élue cette année, mais il a chipé les oripeaux
symboliques, en particulier l’écharpe. Avouez qu’il aurait mérité le
diadème !
Alors, ça vous a-t-i
plu ?
VOICI le PALMARES :
Chars :
1er prix : Ronde des Korrigans, 200 F
2ème prix : Voici le printemps, 180 F
3ème prix : le Puits des Commères, 160 F
4ème prix : Retour de Nice, 140 F
5ème prix : Potager Normand, 120 F
6ème prix : Retour d’âge, 100 F.
Groupes :
1er prix : Paysans normands
2ème prix : Retour de la foire
3ème prix : Les vainqueurs
4ème prix : En route pour St Houarno
1er prix : Paysans normands
2ème prix : Retour de la foire
3ème prix : Les vainqueurs
4ème prix : En route pour St Houarno
Les gros lots :
bœuf-gras, génisse, mouton, coq, oie, bouteille de Champagne, andouille.
Complément rapporté par le Journal de Pontivy du 2 avril :
les gagnants des 2 gros lots, bœuf-gras et génisse, ont versé 200 et 100 F au bureau de bienfaisance.
Avis aux détenteurs de trésors photographiques
Vous détenez d'autres photos ou documents de cette Mi-Carême de 1933,
Grâce à vous nous pourrions compléter ce documentaire
qui est , ne l'oubliez pas, votre patrimoine.
Quel travail minutieux en infos .
RépondreSupprimerC'est rare de trouver dans nos villages de telles documentations.
Châpeau !
J'ai reconnu le café Guillaume Le Bourlais.....tenu par la suite par ma tante "Gegeais" Le Bourlais...La Réclame "Byrrh" est restée longtemps sur le volet....Jo Nestour nous avait déménagé là au retour de notre séjour à Pontivy....vers 1950!!!!!
RépondreSupprimerLa maison n'existe plus, il y avait un piano mécanique dans une salle derrière qui servait de salle de bal......