21/09/2011



 

JOUR de FÊTE à KERNASCLEDEN
ou
Kernascleden se met en scène:
maquillage,poudre de rire et fard breton


C'est aussi "Jour de fête" pour notre blog

Tout comme ses homologues Villard et Hamonic, le briochin Armand Waron se lançe, dès 1898, dans l'édition de cartes postales . Succès immédiat : une production de 475.000 cartes en 1901. La clé de son succès : une région encore méconnue et une marque de fabrique, exploitant la mise en scène "exotique" et pittoresque de scènes rurales se vendant bien.
A Kernascleden, on accueille chaleureusement ces photographes choisissant des "gueules" représentatives du pays .  Nous ne sommes pas déçus. 

Telle est  l'histoire contée  ci-dessous.

C'est sous la forme d'une piécette de théatre qu'un talentueux conteur a rendu hommage à tous ces acteurs et a redonné vie à ces cartes postales. Merci à notre ami R.H.

A vous de l'apprécier... 


OOO
 
 
 

 
D’où leur viennent cette générosité, cette fantaisie, cette bonne humeur et ce goût du spectacle ? De leurs ancêtres ? des bâtisseurs éclairés de leur église ? d'illustrateurs inspirés pour qui l’enfer et le paradis n’ont plus de mystères ? Toujours est-il que nos villageois s’en donnent à coeur joie.
 
Nombreux sont les éditeurs de cartes postales qui ont visité Kernascleden. Aucun autre que le Briochin Armand Waron n’a si bien transmis le tempérament de ses habitants.
 
Alors que Villard, la référence, s’est contenté de saluer majestueusement le vaisseau dédié à Notre Dame, ne retenant du village que les foires, les hommes en blouse, les femmes en capot, et les petits cochons, Waron rapporte une musette pleine de scènes et de portraits plus vrais que nature. Mais le farceur brouille les pistes et mieux vaut ignorer sa numérotation et ses intitulés de cartes.

 
Une histoire en mille morceaux
 
Acte I
 
Le décor représente l’entrée de la maison de Jobic, porte massive, encadrement en pierres taillées avec une marche de seuil creusée par le fer des sabots ; des manches d’outils (fléau, fouet) pendent sur le côté, les sièges sont de modestes tabourets à 3 pieds pour les notables, un banc et des pierres pour les autres.

 
Scène 1
 
Autant supposer que les choses ont commencé ce matin-là, quand Jobic a réuni ses vieux comparses. Bien calé sur son tabouret, il leur décrit la première mission décidée par le metteur en scène. Morvan a sa veste de cocher et tient encore son fouet à la main.


Scène 2
 
Fort de leur appui, il convoque sa section et, le pied sur le tabouret, galvanise son auditoire à la manière de Rouget de L’Isle délivrant à l’univers son chant de l’Armée du Rhin. Mais ici, il s’agit d’une toute autre chanson : « On tira-ra la courte paillepour savoir qui qui souffrirait des dents, ohé ! ohé ! »
 
Pour le coup, on en voit un dans l’assemblée, qui éprouve un singulier frisson.



 
Scène 3
 
Dame, ça n’a pas traîné! Juste le temps de lui changer son gilet et hop, sur le tabouret. Accroche-toi, Yvonig ! Jobic, l’arracheur de dents, sort ses tenailles, adopte la position réglementaire, un pied au mur et l’autre dans le sabot d’appui, et tire en souplesse la quenotte rétive tandis que Morvan, le vieux sorcier, apaise le patient en lui massant savamment le lobe pariétal du cerveau, siège de nos sensations (ce qui sera confirmé bien des décennies plus tard, prouvant, s’il en était besoin, la science et la préscience de nos anciens sorciers bretons).



 
Scène 4
 
Tandis que se déroule ce sacrifice cruel mais ô combien nécessaire, près de la croix, au détour du chemin creux, le barde Dan stimule le choeur des villageois. Son chant suave et pénétrant s’élève sur la lande scandé par les sanglots longs de la vieille mère noyée dans son chagrin. Sur la droite, émus et compassés, un garçon tête nue et une fille à l’adorable coiffe blanche, jeunes et beaux, vibrent et boivent les paroles du maître.


 
 
O0O
 
Acte II
 
Les séances du conseil municipal se tiennent là où le maire est présent. Une table rustique, quelques chaises, une bouteille d’encre, un registre, un code des lois (on n’est pas au Far West, tout de même !), le tout devant une cahute en planches couverte de traverses mal équarries.

 
Scène 1
 
Devant Môssieu l’Maire et ses 4 édiles, comparait Morvan, le vieux sorcier, accompagné d’une vieille femme fatiguée. On ne sait sur quoi repose le litige mais le greffier signe l’acte d’accusation ; heureusement, 3 jeunes témoins dont les charmants jeunes gens du concert, soutiennent le prévenu qui va sauver sa réputation, sa tête, son chapeau et son gilet du dimanche endossé pour la circonstance.


Scène 2
 
Acquittés et libres, les deux bons vieux peuvent maintenant se regarder droit dans les yeux. Et révéler que leurs habits sont des costumes de Ploërdut ; enfin, fabriqués par un tailleur de Ploërdut.


 

Scène 3
 
L’épisode est clos. Affaire suivante ! Réhabilité, Morvan a repris sa place à la table des conseillers. Il faut conclure. Le maire s’est levé, affirmant ainsi son autorité, et dicte ses conclusions au greffier qui a remis son chapeau. Dan, le barde, et un autre jeune homme encadrent les participants. Leur présence empreinte de solennité cautionne la rigueur des débats qui viennent d’avoir lieu.

 

Scène 4
 
Morvan, l’infatigable, libéré de ses obligations légales, s’empresse de répondre à la demande du vieil Erwan qui vient se faire raser. Assieds-toi sur le banc ! J’affûte mon coupe-chou et je suis à toi !

 
Cocher, sorcier à ses heures, perruquier, barbier, sans doute chirurgien, nous ne sommes pas encore au bout du compte. 


Scène 5
 
Erwan rasé et expédié, un nouvel arrivant vient prendre sa place sur le banc. Le pauvre garçon s’est au moins démis l’épaule droite et peut-être même l’épaule gauche en pêchant à la ligne. Aussitôt Morvan et ses aides, 4 solides gaillards, le prennent en charge. Le rebouteur pétrit l’articulation de ses mains expertes tandis que les assistants bloquent tout faux mouvement.
 
Comme Morvan, ces bonnes âmes ont bien du mérite, 2 sortant tout droit du conseil municipal et un 3ème, le chauve, attendu tout à l’heure sur le pré carré du combat de lutte bretonne.


Scène 6
 
Les voici les fins lutteurs ! Une lutte ardente et noire, sans pitié ni merci, qui sera copiée sans vergogne par les futurs catcheurs (en particulier ceux que chanteront les Frères Jacques). La foule, attentive et muette, retient son souffle. Les connaisseurs apprécient les talents. On en oublie le temps qui passe et même le boire et le manger.


O0O


Acte III
 Le baptême
 
Le puits. Lieu de rencontre où l’on échange les nouvelles. Est-il élégant ce puits, tout en pierres de granit et en forme de panier, avec sa margelle ronde et ses piliers sculptés !
 
Scène 1
 
Le vieux papa est venu faire la causette à sa fille. Ils devisent gentiment sans se douter qu’un homme les observe en riant.
 


Scène 2
 
Mais voici le grand-père, « tad koz », portant sa seille. Chacun son tour ! La vieille dame (la compagne de Morvan ?) retire son seau du puits, un autre aïeul attend sagement. N’est-ce point l’occasion de parler du bébé dont on célèbre aujourd’hui le baptême.


Scène 3
Le baptême
 
Devant l’entrée d’une solide chaumière, le berceau est posé sur une sorte de table basse, veillé par la marraine Maïanna. Assistance nombreuse, le cercle de famille applaudit à grands cris. On y retrouve le grand-père assis au milieu de son monde, la mine réjouie.


La fête ne pouvait mieux se terminer.

 

O0O


Epilogue
 
Faut-il poursuivre les tribulations de Morvan ?
 
Scène 1
 
On le retrouve encore effondré sur un fagot, veillant au four, d’un oeil morne...



Scène 2
 
… et à la veillée, dans le lit clos, attentif au propos du conteur qui agite les oreilles du lapin ; "un gros, capable de sauter le Scorff d’un seul bond ! "

 

Scène 3
 
Un dernier éclat de rire, avec ses complices, le trio des joyeux drilles.


 
Les mots de la fin :
 
Cette histoire est purement imaginaire. Elle n’a pour seul but que de divertir et de susciter l’éveil chez les collectionneurs de cartes postales anciennes.
 
En 1900, le village de Kernascleden était partie prenante de la commune de St Caradec-Trégomel. Il n’avait donc ni maire ni conseil municipal. Espérons que le puits et le four à pain auront subsisté, eux qui firent aussi le bonheur d’une population sympathique.
 
Dernière scène en guise de conclusion. Le baptême a fait l’objet d’un autre cliché qui n’a pas été édité par Waron mais par PH et Cie Nancy.
 

On peut donc imaginer qu’un photographe local (Guémené ou Plouay) ait vendu ses images au plus offrant.


La vérité sortant du puits,
serait-ce l’homme qui rit derrière le fameux puits ?

 
 
O0O
 
Tous ces personnages
méritent bien une animation
 

 
 
 

6 commentaires:

  1. un Guémenois du Mans21 septembre 2011 à 19:06

    belle mise en scène .On est dans le cinéma et ces bretons semblent tout à fait à l'aise. Une manière différente et non figée de montrer ces photos. Bien

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  2. j'habite Kernascléden22 septembre 2011 à 14:21

    Félicitations pour cette histoire et parce qu'on parle bien de notre contrée. C'est original et non conventionnel et c'est ce à quoi je suis réceptif .

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  3. super et encore s'il vous plait

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  4. Magnifique témoignage vivant de nos pourleths pas si vieux que ça et nous le conter de la sorte mérite le respect.merci pour votre site.

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  5. C'est amusant. Je suis né à Kernascléden, à 50 m de l'église, à l'époque ou l'un faisait partie de l'autre. Il y avait deux registres, l'un pour St Caradec, l'autre pour Kernascléden.. Erreur de manip? J'ai été inscrit à Saint Caradec, où mes parents ont habité un peu plus tard, plus exactement à "Kernascléden en Saint Caradec".
    Donc des fois je dis l'un, des fois je dis l'autre.

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