11/07/2019





ET SI ON PARLAIT UN PEU DE CIDRE ?


      " PLOP ! "
J’entends encore sauter les bouchons de la dernière cuvée de beau-papa,
salués par l’inimitable refrain « Vive le champagne breton ! »


En parler sans prétention car tout a été dit du cidre, du moins tout a été écrit dans le Journal de Pontivy, du pétillant, du sec, du corsé, du plat, du vert, du vieux, du dur, du bouché et du mal embouché bouchonné. Pour les collectionneurs, (de livres s’entend), le cidre ne se collectionne pas, il se boit et se chante... Buvons donc et chantons... et saluons le grand maître de la confrérie, Frédéric Le Guyader, auteur de la fameuse « Chanson du Cidre » commentée par 60 truculents dessins de Louis Garin, que recommande notre gazette.

.... Le RABELAIS de la CORNOUAILLE...

Cette publicité déguisée nous autorise à poursuivre notre enquête, n'attendant pas de citer d’autres illustres références émanant du grand touche-à-tout pontivien. Comment qualifier autrement celui-ci ? 
Il écrivit en long et en large, déclama, chanta à Montmartre, émut le cercle des Bretons de Paris réuni autour de Renan en sa fin de vie, homme de lettres, critique d’art, de musique, organisateur d’expositions culturelles et du Pardon de la duchesse Anne à Montfort l’Amaury (aujourd’hui dans les Yvelines... s'agissant alors du fief associé aux derniers ducs de Bretagne, dont la duchesse en sabots). Journaliste aussi, au moins chroniqueur dans la période courant de 1883 à 1888, il sema un charivari déroutant quelques personnalités bien établies au point de jeter l’éponge et quitter le Journal. A ses débuts, il signe Don Carlos, puis il s’affiche sous son pseudonyme de chansonnier, Léon Durocher ; pour l’état-civil, il est Léon Duringer, fils du brasseur et conseiller municipal.
LE CIDRE , IL CONNAIT
Quand il anime une fête, un banquet, ou toute autre manifestation, il ne l’oublie pas. Il écrit cette chanson : « J’aime le cidre » et conclut en connaisseur ...

   
" Vive le cidre breton "

Bien entendu, on me fera remarquer que le poème omet l’andouille !
Mais je vous rassure, il y fait allusion à maintes reprises tant le mariage lui paraît légitime.



Dans le journal, d’autres chroniqueurs apportent aussi leur contribution dont une éloquente sur le sujet.
En voici une qui fait le point sur le sujet en 1887
Après une introduction concernant les contingences parisiennes pour se procurer la boisson sacrée, on aborde de front quatre thèmes majeurs : le CIDRE à Paris, les fraudeurs, les buveurs et les statistiques (imparables). 
  
Prenez votre temps et le verre à la main, dégustez le breuvage.

Vous avez tout absorbé ? 
....
Les cubages en hectolitres, la production et les départements de pointe, les qualités nutritives et digestives du cidre, bien supérieures à celles du vin et de la bière, l’art et la manière de trafiquer le breuvage, (spécialité qui demeure d’actualité si l’on en croit un récent article du Canard Enchaîné), les performances de l’époque avec ces curieux concours de buveurs défiant l’entendement (mon aïeul qui éclusait ses 5 litres quand il fauchait sa prairie de 30 ares sous un soleil de plomb faisait vraiment figure de petit joueur), les aspects qualitatifs de ces ivrogneries (nuance : les alcooliques se recrutent essentiellement parmi les buveurs de vin) ; d’accord, nos grands-pères assommaient leurs femmes, mais avec le sourire ! et ça, ça change tout. Si vous tenez bien le coup, vous ne vous noierez pas dans les statistiques farfelues et ne tomberez sans doute pas dans les « Pommes ! Pommes ! Pommes !  Pommes ! » « Pommes ! Pommes ! Pommes !  Pommes ! »



Après cette envolée, retenons quelques faits divers illustrant la grande aventure du cidre de l'époque :
Le cidre et ses variantes
Dame, on savait proposer des produits de substitution, bons sous tous rapports.
La Cidrose (pas cirrhose) donne la meilleure des boissons 
" couleur, goût, odeur, rien n’y manque "
on dirait du vrai cidre breton…


Pour vous en convaincre, pas nécessaire de préciser les ingrédients, l’image parle d’elle-même ; la Cidrose fabrique des centenaires, bon pied, bon œil, souples et aptes à la gymnastique se pratiquant au " cul du fût " comme on disait.

Le cidre, même absorbé en énormes quantités, procure une ivresse gaie dont certains prolongements alimentent la rubrique des audiences du tribunal correctionnel....









Les éditeurs de cartes postales se font discrets sur le sujet. Remarquons cette carte provocatrice de Waron dans sa série « La Bretagne Pittoresque » que voici teintée de bleu (comme le rêve).




On y reconnaît, semble-t-il, le costume pourlet, mais s’agit-il bien d’un soir de noce ou plutôt d’un lendemain de noce ? Chez nous, les fillettes ne courent pas les rues à la brune sans leur maman…


Voici un cliché de Le Cunff, un peu plus serein ... de " Buveurs de Cidre " à Ploërdut

sans oublier ces Mangeuses d'Andouilles
ayant grand besoin de se désaltérer à coups de bolées


Laissons-là cet épisode douloureux et rejoignons Emile Gilles
Tout le monde le connaît et le reconnaît, même quand il signe G de Saint-Ivy
Il a sa chronique familière dans le Journal de Pontivy.


Fin connaisseur du pays, notamment du pays pourlet où il a exercé le métier d’instituteur, il traite à sa manière de points d’histoire locale, de personnages attachants, de sites secrets ou méconnus, du temps qui passe, des traditions perdues ou de coutumes ancestrales singulières.

Ecoutons-le en lisant à voix haute ! 
Les musiciens pourront y ajouter des notes et chanter. C’est la veillée de Noël 1905. Emile rêvasse, les fumets de cuisine viennent le distraire. Un petit mot pour les divines cousettes. Puis son brin d’histoire insolite.



Nous reviendrons plus tard sur le cidre et la musique. Cela n’a échappé à personne (en particulier à Flaubert, voir dans ce blog notre dictée) que les sonneurs bretons de ce temps nouaient un rapport étroit sinon avec le cidre, du moins avec la barrique dont ils se servaient pour prendre la hauteur nécessaire à l’exercice de leur art. Ils auront droit à un chapitre complet…

Pour le moment, et pour revenir à la gazette pontivienne,
nous présenterons deux mésaventures touchant les voleurs de pommes et autres adorateurs du Bacchus local.



Vous avez bien lu : le présumé voleur de pommes prend 15 jours de prison et celui qui a soustrait trois litres de cidre ira méditer huit jours au même endroit.

Je n’ai rien trouvé concernant la répression des malfaçons et je renvoie au premier article dont l’auteur se grattait la tête sans trouver la bonne explication au fait qu’il achetait son cidre 50 à 60 centimes à Paris (10 ou 12 sous puisque 1 Franc valait 20 sous) quand on le payait 2 ou 3 sous dans la région de production, Bretagne ou Normandie.

PLOP ! 
A la bonne vôtre, et « Vive le champagne breton ! »


Tout finit par des chansons, et on a le choix.

« Quand nous jouions à la marelle, cerisier rose et pommier blanc ». Peu importe si on inverse ou mélange les couleurs. Mais qu’y a-t-il de plus beau au printemps dans nos campagnes que les cerisiers blancs et les pommiers en fleurs, miracle des yeux et butin d’abeilles ? Et qu’y a-t-il de plus doux en septembre que de cueillir et croquer des pommes au détour d’un chemin de randonnée ? D’autres l’ont fait, pourquoi pas nous ? Au « Chemin des Dames » de triste mémoire de Poilus, dans un vallon, un verger de pommiers, comme un chœur antique veille sur la chapelle détruite de l’abbaye de Vauclair. Ailleurs, non loin de Montfort l’Amaury, encore moins loin de la statue de Jacques Anquetil dans son exercice de style Grand Prix des Nations, pour dire le vrai en vallée de Chevreuse, et pour faire court à Gif sur Yvette, on a eu la bonne idée d’agrémenter la promenade du bassin d’expansion de la rivière, non seulement de panneaux scientifiques décrivant le ballet des astres, mais aussi d’arbres fruitiers méconnus du grand public actuel, comme les néfliers et les pommiers. Se sert qui veut.

« Je chante » avec Charles Trenet, « Je chante sur mon chemin ».

Rêvons un peu, un Scorff orgueilleux et conquérant, dévalant les pentes depuis sa source, de St Auny à Guémené, chantant et swinguant entre les bosquets, dans un patchwork coloré de vergers, cerisaies, pommeraies, champs de fourragères, trèfle rouge, incarnat, sainfoin rose, parcelles de lin, de blé noir, le tout scintillant de coquelicots, de bluets, de marguerites. Et les chemins sinueux, jeux de piste pour les randonneurs émerveillés comme des korrigans en goguette, amateurs de sons, de couleurs, de parfums et de grand air, affamés de crêpes, de galettes et d’andouille, et assoiffés d’un authentique cidre du terroir.


Oh ! Il ne manquait pas de savoir-faire si l’on en s’en rapporte au comice agricole du canton qui s’est tenu à Persquen en 1928, une autre époque, il est vrai, mais tout de même. Les pommeraies avait bonne renommée dans le pays et les producteurs de cidre recevaient des médailles.




Pour ceux qui aimeraient en savoir un peu plus sur Léon Durocher *, 
bien oublié de nos jours,
 voici quelques échantillons de ses œuvres. 


Une chanson parmi tant d’autres, parue en feuille volante, qui rappelle Théodore Botrel, son contemporain et ami.
    
Recueil où se mêlent chansons montmartroises (de là-haut) et chansons du pays breton (de là-bas) comme l’illustre le dessin de couverture.
   

Maitre d’œuvre du pardon d’Anne de Bretagne à Montfort L’Amaury, qu’il a lancé en 1900.


Et caricaturé (à la manière de Don Quichotte)...




Pour amuser nos lecteurs, nous pourrions consacrer un épisode à ce personnage sur le blog...
et... si vous passez à Montmartre, ne manquez pas la fontaine du square St Pierre … 

où l'on peut lire sur la pierre « Mieux est de ris que de larmes escrire» (Rabelais) et sur l’intitulé de la seconde carte : Square St Pierre, Monument de la Montmartroise, « le Cœur et l’Esprit gaulois » dédié au poète Léon Durocher, par E Derré, sculpteur. ND Phot.




Terminons en chanson 
avec l'hymne au cidre d' Alan Stivell...




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