06/05/2017


AOÛT 1914
l'euphorie du départ et la réalité dramatique
Albert Herter - Le départ des poilus


En Août 1914, on sema bien le chaud et le froid. A l'euphorie générale de la mobilisation, espérant une victoire rapide, se substituera sur le terrain une autre réalité... meurtrière.
C'est ce que nous conte ce minutieux travail d'un correspondant ami en intégrant notre région et ses hommes à ces événements.
Lisez cet exposé avec attention. Il vous permettra de mieux comprendre les récits de vos aînés et de nos livres d'histoire.




Guémené sur Scorff, la terrible moisson de l’été 1914


Je sais, ça peut paraître prétentieux de vouloir ranimer le souvenir de ces jeunes gars du canton tirés comme des lapins en août 1914.
Oui, c’est loin, c’est loin tout ça !
Mais moi, je me sens une dette envers eux. Nous avons bien ri ensemble quand je les ai suivis en train de jouer les apprentis soldats, d’abord au conseil de révision puis dans la caserne qu’ils ont rejoint en 1912 (voir blog : A Guémené, la classe ! *) Je vous avais promis de vous raconter leurs aventures en août et septembre 14, en Belgique et en Champagne, dans le temps qui courait jusqu’à leur démobilisation attendue normalement le 23 septembre.
Alors j’ai chaussé mes godasses de marcheur et saisi mon bâton de pèlerin pour aller y voir de plus près. Dans les poches, quelques bons bouquins quand même, en particulier « La fleur au fusil » de Jean Galtier-Boissière, un Parisien joyeux drille celui-là, et qui baroudait à moins de 100 km de nos pioupious bretons. Un caporal.
Un tout autre point de vue que celui de l’Etat-Major.


La guerre de 14, la Grande Guerre, en a-t-on entendu parler ! Tant que ça, croyez-vous ? Mon grand-père, qui avait des médailles dans un cadre de bois, n’en parlait presque jamais, sauf quand il allait au banquet annuel des Anciens Combattants d’où il revenait un peu pompette et la voix éraillée d’avoir trop chanté la « Madelon ». A l’école, les livres d’histoire nous en racontaient de belles : les taxis de la Marne, Verdun, Clémenceau, le défilé des généraux, Joffre, Foch, en 1919 sur les Champs-Elysées. Le 11 novembre, on allait en rangs, les instituteurs en serre-files, assister figés devant le monument aux morts à la cérémonie d’hommage que présidait le maire devant le contingent d’Anciens Combattants. Discours, roulement de tambour et sonnerie aux morts…
En classe de 3ème, c’était au programme du Brevet, alors le prof d’histoire se fendait d’une analyse plus fouillée. On comparait les forces en présence, la stratégie des uns et des autres, l’évolution des techniques de la guerre, le mouvement laissant place aux tranchées. Ah ! Ces maudits Ludendorff et Hindenburg ! Un petit rappel de temps en temps sur les champs de bataille de Salonique et la paix de Brest-Litovsk. Puis la victoire, l’armistice, le traité de Versailles et ses conséquences.
Je ne rentre pas dans les détails, aujourd’hui on sait tout sur tout, et la télé nous a offert les poilus jusqu’au dernier centenaire. Les historiens, de leur côté, ayant accès à toutes les sources, mêmes diplomatiques les plus secrètes, ont analysé avec soin et objectivité tous les aspects de cette Grande Guerre. Je ne peux que vous recommander le livre de Jean Yves Le Naour : « 1914, La grande illusion », qui dégonfle pas mal de vieilles baudruches, en particulier sur les grands stratèges militaires, le rôle des journaux et le bourrage de crâne. Comme on a revécu ça en 40, on ne s’étonne pas. Mais peut-être devrait-on s’y arrêter plus sérieusement aujourd’hui quand on voit la folie qui s’empare des esprits à la moindre campagne médiatique venant brasser la pâte de la crise pour en sortir tout chauds du four des pains douteux, bien loin des pistolets fourrés de notre enfance (1).
Note 1 : le pistolet fourré est surtout connu des écoliers à cause du cow-boy Arthur et sa jument Tipie ; en fait, c’est une spécialité belge et on en trouve de très bons à Maissin.

           Quoi ! Maissin, ça ne vous dit rien ? On va en parler !

Bien entendu, les braves pioupious qui comptaient les jours le 17 juillet 1914 étaient de parfaits ignorants occupés de leurs billevesées. Mais voici le coup de clairon du réveil (hymne à la joie, façon caserne)...


SUITE...
« J’ouvre les yeux. Le soleil illumine la chambrée. Sur les murs récemment badigeonnés à la chaux, les paquetages bleu blanc rouge, le râtelier d’armes, les pajots marrons réglementairement carrés se détachent nets comme de puérils accessoires de soldats de plomb. A la sonnerie du réveil, pas un dormeur n’a tressailli. Parbleu, dans soixante-treize jours demain matin, c’est la classe et la fuite par le pied gauche !
 Au jus là n’dans ! »



Ceci est un épisode de la vie de château à Paris, caserne des Tourelles.
C’est Jean Galtier qui parle. Vous n’avez pas fini de l’entendre.
Mais je m’égare.
Revenons à nos moutons, je veux dire à nos soldats des départements bretons. 
Essayons d’être bref et concis.


__________________________________________________________________________________________________________________


A la mobilisation
le soldat se retrouvera dans une organisation pyramidale à 5 niveaux
1
LE RÉGIMENT

2
 LA BRIGADE
On accouple les régiments. Dans le Morbihan, le 62è RI de Lorient et le 116è RI de Vannes forment la 43ème brigade
Dans le Finistère, le 19ème RI de Brest et le 118ème RI de Quimper forment la 44ème brigade.

3
LA DIVISION
La 22è Division d’Infanterie est formée par les 2 brigades précédentes auxquelles sont adjointes trois autres unités : 35ème RAC, Vannes; compagnie 11/2 du génie 6ème escadron du 2ème régiment de chasseurs, Pontivy.
Le schéma se reproduit presque à l’identique entre les Côtes du Nord et l’Ille & Vilaine : les 37è et 38è brigades donnent la 19è DI. Comme l’Ille & Vilaine comprend un 3ème régiment d’infanterie basé à St Malo, celui-ci s’accouple avec celui de Granville (Manche) pour donner la 40è brigade, elle-même sous-groupe de la 20è DI. La 21è DI comprend les régiments de la Loire-Inférieure et d’une partie de la Vendée.
   
4
LE CORPS D'ARMÉE
 La majorité des fantassins bretons appartiennent aux 10è et 11è CA qui rattrapent les distorsions apparues aux niveaux inférieurs.Le 10è CA regroupe ceux des Côtes du Nord et d'Ille et Vilaine, avec une composante normande (3 RI/8); le 11èCA regroupe ceux du Morbihan, du Finistère et de Loire-Inférieure, avec une composante vendéenne (2RI/8). 

5
L'ARMÉE
Les 10è et 11è CA appartiennent à la 4ème Armée qui comprend aussi les 1er, 2ème et 3ème CA.

le 62ème RI de Lorient

_______________________________________________________________________________________________________________


En conclusion, nos soldats guémenois incorporés en Bretagne, quel que soit leur régiment d'affectation, seront souvent très proches voire associés dans plusieurs opérations (ce à part les marins, fusiliers marins et coloniaux, en général engagés).

J’entends doucement rigoler le soldat Tourlourou tandis que je m’escrime à mettre un peu d’ordre dans la maison. Lui, sorti des copains de l’escouade commandée par le sergent ou le caporal, de la section commandée par le lieutenant, de la compagnie commandée par le capitaine, du bataillon et du régiment, tout le reste est littérature, bonnet blanc et blanc bonnet, ou, si vous préférez, pantalon garance et fusil lebel. Il a l’esprit ailleurs !

           
Pour suivre strictement les tribulations de nos soldats bretons, nous ne disposons en propre que du fascicule « Historique du 62è Régiment d’Infanterie », édition 1920, Henri Charles-Lavauzelle, Paris.

Précisons que le récit des opérations est rédigé par un comité ad hoc à partir des rapports remis par les officiers au commandement supérieur. Il s’agit donc de la version officielle écrite dans le style propre à l’armée. Exemple : ce qu’il est convenu de nommer aujourd’hui « retraite » est le plus souvent présentée comme un « repli stratégique ». On commémore toujours les victoires, jamais les défaites ; c’est bien connu ! Son intérêt principal est de suivre les mouvements des troupes, de fixer la chronologie des opérations et d’en donner les unités engagées.



Le point de vue des soldats de base est à chercher ailleurs, dans des ouvrages de souvenirs utilisant carnets, notes, illustrations, lettres des poilus, ou dans des romans basés sur des expériences personnelles. J’ai choisi délibérément de rapporter des extraits du livre de Galtier, Parisien du 31è RI, 3è Armée, dont la campagne vécue en tant que fantassin était très proche géographiquement et matériellement.

Rappel à l’ordre de l’adjudant :
« Soldat Tourlourou ! Un régiment comprend : 3 bataillons, eux-mêmes constitués de 4 compagnies de 240 hommes, soit au total - il consulte sa fiche - 12 compagnies et 2880 hommes ; un état-major, un petit état-major, une compagnie hors rang (CHR), et il est accompagné d’un train régimentaire et d’un train de combat, Une compagnie compte 4 sections, elles-mêmes divisées en 4 escouades de 15 hommes chacune. C’est bien compris ? » 
« Oui, mon adjudant ! »

Note. Le récit officiel fait souvent mention des bataillons qui, dans une intervention, peuvent avoir des tâches différentes, quelquefois des compagnies, (jamais) rarement des escouades. Il est donc impossible de connaître l’itinéraire précis de chaque poilu.



_______________________________________________________________________________________________________________



Première période
la guerre des frontières : de Lorient à la bataille de Maissin en Belgique

Code couleur : le texte du fascicule est en marron, les lieux géographiques sont en vert, les dates en rouge.
Le 1er août, la mobilisation générale est décrétée en France et en Allemagne. Le 3, l’Allemagne déclare la guerre à la France. Le Haut-Commandement va procéder le plus rapidement possible à la première étape qui consiste à concentrer les troupes, quasiment au coude-à-coude depuis la frontière suisse jusqu’à la Manche. S’y déploieront dans l’ordre les 5 armées françaises ; en soutien, la marine britannique tient la Manche et apporte son contingent sur les côtes. Les Belges ? La Belgique.



A la mobilisation, le 62è RI, qui fait partie de la 43è brigade (22è division, 11è corps d’armée), est commandé par le colonel Costebonnel.
Au cours d’une prise d’armes passée avant le départ, cet officier supérieur, dans une harangue empreinte du plus pur patriotisme, indique à tous le chemin du devoir et de la grandeur du sacrifice que la Patrie attend d’eux. Un immense cri de : « Vive la France » répond à ces nobles paroles.

Lorient - 1914  : départ pour la mobilisation sur le cours de Chazelles
Départ gare de Lorient, le 7 ; le 62è s’embarque à Lorient. Le trajet de la caserne à la gare est, pour le régiment, une véritable marche triomphale. Une foule émue l’entoure et l’acclame sans discontinuer. Le sous-préfet, la municipalité et toute la population lorientaise se trouvent à la gare pour saluer le drapeau et les bataillons qui partent pour la frontière.
Les soldats sont animés d’un enthousiasme indescriptible ; des cris de joie s’élèvent de toutes parts, on a l’impression que chacun s’apprête à faire consciencieusement son devoir pour défendre le sol sacré de la Patrie menacée et déjà envahie.
Ce type de manifestation aura lieu partout en France, souvenons-nous des départs à la gare de l’Est à Paris, la liesse, les cris de « à Berlin », ambiance type de « la fleur au fusil » rapportée par Galtier : « On dirait vraiment que tout le monde se rassemble en vue d’une réjouissance ».

Si à Paris, on a connu des mouvements xénophobes et des lynchages dirigés contre « les pas français » pris indistinctement pour des espions, je n’ai rien trouvé de ce genre en Bretagne. Galtier et sa troupe en ont été témoins ainsi que des passages à tabac dans les commissariats de police d'ouvriers de Belleville manifestant contre la guerre.
En cours de route, à Versailles, le régiment apprend la prise de Mulhouse. Cette nouvelle soulève de nombreux cris d’enthousiasme. C’est le 8, les bonnes nouvelles vont vite, mais la ville devra être évacuée dès le lendemain. A noter qu’on passe sous silence les conditions de voyage en train.
Voici ce qu’en dit Jean Galtier, lui aussi en voyage le 7, avec ses camarades :
   
« Le train de plaisir pour Berlin.
Depuis treize heures, nous roulons, entassés dans un wagon à bestiaux – hommes 32, chevaux 8 en long – dans un enchevêtrement de jambes, d’équipements, de lebels et de musettes. La nuit s’est passée à boire, à fumer, à brailler en chœur et à jouer d’interminables manilles aux enchères, à la lueur pâlotte du quinquet réglementaire qui fume et qui pue. »



Dans la soirée du 9 août, le 62è régiment débarque à Châtel-Chéhéry, aux confins de la forêt d’Argonne, près d’Apremont. Le régiment cantonne à Germont et à Belleville (pour le 3è bataillon).
Le 11, marches de concentration de la division, en route pour Sedan, Noyers atteint le 15.
Un instant, s’il vous plait. La distance parcourue est d’environ 60 Km entre Châtel-Chéhéry et Noyers. La France n’était pas occupée, n’aurait-on pu convoyer les troupes au plus près de leur objectif ? Nos pioupious se sont appuyés 30 km de la gare aux cantonnements le soir du 9 ; et encore une étape du même calibre pour atteindre Noyers. Et par une chaleur accablante. Ecoutons un peu les copains du 31è qui n’ont qu’un jour d’avance et cheminent dans le proche voisinage.


8 août. Nous sommes descendus à Sampigny du « Train de plaisir pour Berlin ». Le bataillon cantonne à Boncourt (7 Km).
9 août. Alerte à minuit. Brouhaha dans les granges. Rassemblement au clair de lune. On part. Défense de parler et de fumer. Allons-nous combattre ?
....
Au petit jour, nous traversons Saint-Mihiel endormi (15 Km). Nous marchons toujours vers le nord. A la sortie de la ville, encore déserte à cette heure matinale, nous croisons un convoi de ravitaillement, une file d’autobus parisiens blancs de poussière. Les « Madeleine-Bastille » et les « Clichy-Odéon » soulèvent de joyeux lazzis : - En première seulement ! Passons les numéros !
A mesure que le jour s’avance, la chaleur augmente, un soleil de plomb nous abrutit. Les manches retroussées, la capote largement ouverte découvrant des poitrines velues, le képi en arrière, la face écarlate, suant à grosses gouttes, les bobosses, couverts de poussière, avancent de plus en plus péniblement. Par une telle chaleur, la marche avec chargement complet, est une terrible souffrance ; les courroies du sac scient les épaules, les bretelles des cartouchières nous étranglent. Penché en avant, le cou tendu, on a une pénible impression d’étouffement ; la plante des pieds est en feu ; chaque fois qu’on remet le sac au dos, l’as de carreau semble peser un peu plus lourd ; pendant les premiers pas, on marche sur des pointes d’aiguille.
« Ah ! la pause ! bon Dieu ! la pause ! » hurlent les réservistes, pas entraînés comme nous autres ; « si c’est pas malheureux de faire marcher des chrétiens par un soleil pareil ! »
Dans les bourgs que nous traversons, les artilleurs, les chasseurs au repos ont disposé des seaux d’eau fraîche de chaque côté de la route poussiéreuse. On se bouscule, on se collette rageusement pour un quart d’eau.

Enfin vers 2 h, la grande pause. D’après le lieutenant, nous avons plus de 40 Km dans les guiboles. Les hommes jettent à terre leur sac et leur fusil et se laissent tomber à côté, exténués. Les plus ingambes courent jusqu’à la haie pour s’étendre à l’ombre. Sous chaque arbrisseau, il y a des grappes d’hommes qui ronflent, cramoisis, la bouche ouvert. Les officiers voudraient que l’on préparât le café, mais nul n’a le courage d’allumer du feu.



A 4 h, l’adjudant de bataillon rassemble les fourriers et caporaux d’ordinaire et prend le commandement du « campement ». Nous nous défilons par un chemin de traverse en plein soleil. Quelques-uns tombent encore le long du chemin, vaincus par la chaleur et la fatigue. Enfin, nous apercevons un clocher au loin : c’est Ranzières (18 Km).


Le bataillon doit cantonner dans ce hameau malpropre. Je dépose avec joie sac et fusil et mets ma tête sous une fontaine. Je renais !
Le ravitaillement n’est pas encore arrivé ; avec le fourrier Taupin, un réserviste rouquin et bon garçon, je m’installe, en chaussons et bonnet de police, dans un petit estaminet dallé et très frais, et avale six absinthes à la file. Ça va beaucoup mieux.
Le bataillon n’arrive qu’à la nuit tombée, et fort en désordre. Il y a 19 heures qu’il est en route, et sans rien se mettre sous la dent. Les hommes exténués, les yeux hors la tête, la face violette, suants, poussiéreux, marchent en titubant, comme ivres ? Sitôt arrivés, ils se laissent tomber sur la paille des granges. Certains s’endorment immédiatement, tout équipés. Seul le lieutenant Font, dont l’autorité sur sa section est extraordinaire, réussit à faire aligner ses hommes épuisés, et commande de former les faisceaux réglementairement. Deux hommes, au garde-à-vous derrière les faisceaux, tombent raides, évanouis. – Rompez les rangs, dit le lieutenant, imperturbable.
Le commandant réquisitionne tous les chariots du village pour ramener les éclopés qui jalonnent la route sur les derniers 15 Km.
Vers 8 h du soir, je touche enfin les vivres, que je distribue, en bras de chemise, par escouade.
Bientôt, des centaines de feu crépitent dans la rue, léchant les murs des fermes, et embrasent le hameau d’où monte un brouhaha joyeux : on prépare la soupe.


10 août, 5 h du matin… Le réveil du régiment…
Cet après-midi, revue de pieds et de godasses par le chef de bataillon.
….
Les autres unités formant la Division sont également en route. Que sait-on, en particulier, de nos voisins Pontivyens mentionnés plus haut ? Le 2è régiment de chasseurs comprend 7 escadrons, les quatre premiers formant le noyau central, le 5è et le 6è sont détachés, l’un auprès de la 21è Division (formée des régiments de Loire Inférieure et de Vendée), l’autre auprès de la 22ème Division (formée des régiments du Finistère, 19è et 118è, et du Morbihan, 62è et 116è). Le 4 août, les quatre premiers escadrons sont embarqués à Pontivy et dirigés vers la frontière. Débarqué à Grand-Pré (Ardennes, au sud de Sedan), le régiment se porte sur Buzancy puis sur Carignan où il assure la couverture du XIe corps d’armée et la liaison avec la 4è division de cavalerie.
Je ne résiste pas au plaisir de présenter un des cavaliers, originaire de Ploërdut, Louis Le Nouveau, ici en 1909, modeste 1ère classe, en compagnie de son oncle Joseph Chevanche. Tous deux feront la guerre, l’un en reviendra, l’autre pas.
   

Note. Le 7è escadron, formé à Brest, sera envoyé à Alençon, puis sur Montdidier (Somme) où il débarqua le 23 septembre avec le 7è escadron du 13e hussards.
Et nos Lorientais, où en sont-ils ?
Donc nous disions : Le 11, marches de concentration de la division, en route pour Sedan, Noyers atteint le 15.
La division a opéré sa concentration comme un concentré de tomates bien mûres.
Le 16 août, à 8 h 30, un peloton de la 8ème compagnie est envoyé à Bazeilles, en soutien de la cavalerie divisionnaire opérant sur la rive droite de la Meuse en liaison avec la 21ème DI (Nantes). La cavalerie divisionnaire est le 6ème escadron juste évoqué.
A 13 h 15, la 9ème compagnie est dirigée sur Vadelincourt pour reconnaître les passages de la Meuse ; à 16 h 15, le régiment, qui fait partie de l’avant-garde de la division, se porte sur Muno (Belgique) par Douzy, Pourru-St Rémy et Messincourt. Il atteint Muno à 22 h 15 où il s’installe en cantonnement d’alerte couvert par le bataillon Voillard, qui prend les avant-postes. Le 62è, faisant partie de l’avant-garde, a passé la frontière et a marché pendant 6 h. Dense et belle forêt de Muno, ici près de Dohan (octobre 2016).



Le 17 août, à 6 h 15, l’avant-garde de la division reçoit à Muno (Belgique) l’ordre d’occuper Escombres (France) et les hauteurs d’Escombres pour couvrir la division ; à 7 h 15, le régiment quitte Muno pour Escombres où il s’installe en cantonnement d’alerte. Un coup pour rien, retour à la case départ ! 
Le 18 août, à 4 h 15, le régiment qui a reçu la mission d’organiser la position, en vue d’une première résistance sur les lignes nord et est d’Escombres pour forcer l’ennemi à un déploiement prématuré, sans se laisser accrocher, commence les travaux de défense qui sont terminés à 11 h.
Le 20 août, la division marche offensivement vers le nord. Le 62è formant avant-garde de la division quitte Escombres à 19 h 30 et se porte sur Dohan et Auby (Belgique), où il passe la nuit. Donc la division repart à l’offensive en début de soirée avec le 62è devant.
Le 21 août, la marche offensive continue et le 62è arrive à Bertrix à 16 h où il cantonne en se couvrant par des avant-postes. On ne parle pas d’engagement, l’ennemi semble absent. De Dohan à Bertrix, ce n’est pas très loin, mais c’est très beau, surtout si on prend la route de la vallée de la Semois (octobre 2016).


Le 22 août au matin, un avant-poste de la 12ème compagnie aperçoit une patrouille de cavaliers allemands ; il la repousse par son feu. Vers 10h, deux avions ennemis apparaissent à très faible hauteur ; les avant-postes ouvrent le feu sur eux, un des appareils est descendu, mais l’autre réussit à rentrer dans ses lignes. L’ennemi se manifeste mais le 62è assure ; malheureusement, les avions de reconnaissance ont situé et estimé les forces françaises. Stratégie totalement méprisée par le haut Etat-Major des armées françaises ; selon Foch : « L’aviation, c’est du sport. Pour l’armée, c’est zéro. » (cité par Le Naour)
Pour mieux comprendre le déroulement de la bataille, quelques compléments glanés sur internet1. L’objectif fixé par le Haut-Commandement est Maissin, mais l’engagement aurait été dévolu à la 21è DI, et non pas à la 22è qui devait se contenter de préserver tout le sud et l’est. Il s'avère que ce fut l'inverse qui se produisit.
Le 2è Chasseurs de Pontivy, envoyé en éclaireur, pénètre tranquillement dans le village aux alentours de 9 h du matin, provoquant la fuite de quelques uhlans qui s'y trouvaient. Dans le quart d'heure qui suit, l’alerte donnée côté allemand déclenche les premiers tirs de l'artillerie ennemie installée à Villance (village proche à l’est de Maissin).
Vers midi, la 22è division reprend la marche en avant. Le 62è se dirige sur Paliseul où il doit cantonner ; mais avant d’atteindre cette localité, on entend la fusillade : une action se déroule, plus au nord, à quelques Km
La bataille de Maissin a commencé à 12 h 30, c’est le 19è RI de Brest qui dérouille. On a lancé les troupes drapeau et musique en tête sans aucun soutien de l'artillerie qui n'avait eu le temps de s'installer. Ça se passe ici.


Après le virage, un terrain en pente légère bien dégagé et à la merci des mitrailleuses installées dans les hauteurs du village.


Le général de division pousse le 62è sur Maissin pour appuyer les régiments déjà engagés. Le bataillon Voillard forme l’avant-garde.
La division est déployée de la manière suivante. Le 118è appuyé par les régiments plus à l’est tient le secteur du village d’Anloy, sud et sud-est de Maissin, le 116è tient le secteur sud-ouest.  Le 62è est prié d’aller renforcer la partie la plus avancée vers Maissin, plein sud.
Les Allemands ont mis le feu à Maissin. Arrivé à 4 Km, au sud de cette ville, on entend le bruit du canon et celui de la fusillade qui augmentent d’intensité. Sur la route, des civils fuient, des blessés reviennent des lignes ; ils appartiennent au 2ème régiment de chasseurs à cheval, au 19è, au 118è et au 116è. La division est déjà engagée, c’est la bataille.
Le 62è quitte sa formation de marche et prend une formation articulée à l’ouest de la route (celle de Paliseul, actuelle avenue de France), puis, par une marche d’approche, il se dirige sur Maissin. Le terrain est boisé et difficile ; les unités sont en butte aux feux de l’artillerie allemande puis de l’infanterie qui occupe solidement Maissin.
Le 62è débouche de la zone boisée après avoir dépassé la route d’Our. Le feu de l’ennemi devient à ce moment extrêmement violent, un ennemi invisible, en position sur les hauteurs de Maissin, avec un grand nombre de mitrailleuses ouvre un feu nourri sur toutes les fractions qui essaient de descendre sur cette localité ; l’élan de nos bataillons vient se briser contre cette forte défensive, ils subissent des pertes sérieuses. Cependant, malgré l’intensité du feu de l’ennemi, les 1ère et 3ème compagnies et des éléments du régiment réussissent à progresser jusqu’à 600 m environ de Maissin. Vers 19 h, le clairon sonne la charge, les hommes s’élancent dans un élan irrésistible à l’assaut ; Maissin est pris : 60 prisonniers restent entre nos mains.


Il semble que dans cette affaire, le texte du 62è oublie la contribution d’autres unités également engagées. La version déjà citée1 précise que dès 14 h 30, les 93è (Roche-sur-Yon) et 137e (Fontenay-le-Comte) (42è Br/21è DI), venant par la route d'Our, ont été bloqués à la lisière nord du Bois de Ban par des tirs de mitrailleuses et que c’est, intervenue plus tard, la vigoureuse intervention du 2e bataillon du 116è qui fera sauter le verrou permettant de poursuivre la progression de ce côté. Les régiments vendéens parviendront au village vers 18h, bien après les Vannetais, soit au moment des derniers combats, pour en repartir dès 19 h 30.
Entre temps, vers 17 h, les 2ème et 4ème compagnies (du 62è), réserve de la Division, sont alertées. Un lieutenant du 35ème d’artillerie vient prévenir le capitaine Weisbecker, commandant le demi-bataillon, que les batteries sont compromises. Les 2ème et 7ème compagnies mettent baïonnette au canon et chargent résolument l’ennemi avec lequel elles engagent un combat au corps à corps autour des caissons, dépassent les batteries et s’engagent dans un bois fortement tenu par l’ennemi ; accueillies par un feu terrible d’infanterie et de mitrailleuses qui les prend de front et de flanc, elles sont obligées de rétrograder. Mais leur vigoureuse attaque arrête l’avance de l’ennemi et permet de dégager plusieurs de nos pièces d’artillerie.
Pendant la nuit, les éléments du 62è qui ont pu pénétrer dans Maissin, s’y organisent et réussissent même à repousser trois contre-attaques ennemies.
 Mais, vers 8 h (23 août), un avion ennemi survole Maissin (encore ces maudits oiseaux) ; peu de temps après, l’artillerie ennemie déclenche un violent bombardement et l’infanterie allemande attaque brutalement la localité. Dans la nuit, notre artillerie s’est retirée sur Bouillon ; les quelques fractions d’infanterie qui tiennent encore le village, trop faibles pour résister et sans espoir d’être secourues, sont obligées, vers 10 h, de battre en retraite pour éviter d’être cernées. Elles se retirent sur Bouillon où elles rallient le régiment.
Voici un topo personnel représentant les phases de la bataille de Maissin, en rouge, l’offensive française, en rose, le repli.


Dans cette première et dure journée de bataille, un grand nombre d’officiers et de soldats tombèrent glorieusement mais non sans avoir fait subir à l’ennemi des pertes plus lourdes. On se demande comment l’EM peut apprécier les pertes de l’ennemi alors que ce sont nos troupes qui décrochent ; la bataille en Belgique est terminée, le 23 août est consacré à la retraite ; puis de Bouillon, on va filer se mettre à l’abri derrière la Meuse.
Peut-on considérer que la bataille de Maissin a été une victoire française pour avoir occupé le village de 18 h le soir à 10 h du matin ? Ce qui est sûr, c’est que ce fut une hécatombe.
Le bilan est lourd aussi bien du côté allemand que du côté français et belge ; car les civils ont été aussi durement frappés : 50 villageois auraient été assassinés les 22 et 23 août ; un nombre considérable de maisons ont été pillées et brûlées.
En visitant le cimetière Pierre Massé situé à la sortie de Maissin en direction de Lesse, on se rend compte de l’ampleur du massacre. Tous les régiments cités ont leur secteur. Les tombes collectives des soldats non identifiés sont impressionnantes.




Voici un des carrés collectifs ; ici on lit 1459 soldats tués ;


Sur l’autre 1542 ; et sur le monument circulaire central  9 officiers et 674 soldats : 
Total 3684 tués


Ce cimetière exprime l’engagement commun de rendre hommage à tous les combattants, mais la présence du calvaire est un symbole fort de l’amitié qui unit les Belges et les Bretons.


Nos amis belges honoreront encore le sacrifice du 19è RI de Brest en donnant son nom à cette route d’accès au village et celui de Brest à une autre rue. Voici ces plaques et la vue du ciel actuelle...


… qui situe la rue du 19è RI de Brest et une partie du champ de bataille.

La visite ne saurait pourtant se conclure ici. La bataille de Maissin a concerné d’autres lieux qu’on ne saurait oublier. Ainsi, plus loin, poussant vers Lesse, un autre cimetière tout simple, formé de simples croix blanches portant cette seule mention « Passant, souviens-toi ».

Pour le canton de Guémené, sont tombés le 22 août 1914, de la classe 11 :
Bretonnic Joseph, né à Séglien, cultivateur à Ploërdut en 1912, incorporé au 115è, disparu le 22 août 1914 à Vertou (Belgique) ;
Nauvert Louis, né à Langoëlan, bucheron, orphelin à la conscription, incorporé au118è, disparu le 22 août 1914 au combat à Maissin (Belgique) ;
Pasco Barnabé, né à Langoëlan, cultivateur, incorporé au118è, caporal le 6 décembre 1913, disparu le 22 août 1914 à Maissin ;
Péricault Jean Marie, né à Ploërdut, cultivateur, incorporé au118è, disparu le 22 août 1914 à Maissin ;
Quémener Joseph Marie, né à St Caradec Trégomel, laboureur, incorporé au116è, disparu le 22 août 1914 à Maissin.
Auxquels il faut ajouter d’autres soldats de classes différentes, au moins :
Chevanche Yves, né à Ploërdut, laboureur à Lignol, classe 10, 65è, décédé le 23 8 1914 à l’ambulance des suites de ses blessures reçues à Beth (Maissin).
Une ambulance désignait alors un petit hôpital de campagne. Celui de la bataille de Maissin, se trouvait au sud-ouest, après le village d’Our, sur la commune de Paliseul-Opont, hameau de Beth ; c’est l’ancienne abbaye dite des Abbys ou de Beth. On ne sait combien de blessés y furent soignés ni qui ils étaient. Il y eut des complications après la débâcle et la mainmise de l’armée allemande.
Actuellement gîte, voici l’image de la cour intérieure côté parc (octobre 2016).

Il est temps maintenant de retrouver Bouillon que les troupes françaises ont traversé au plus vite en ne s’attardant ni au château fort de Godefroy, le gentilhomme qui conduisit la 1ère croisade, ni devant le magnifique paysage des méandres de la Semois.


Nous en avions presque oublié la guerre et la bataille de Maissin. Mais le fascicule du 62è nous remet dans le droit chemin.
Le 24 août, à 5 h, la division bat en retraite sur la Meuse. Le 62è se dirige par Illy et Givonne sur Sedan où il passe le fleuve et va cantonner à Vadelincourt. On ne dit pas où cantonne le reste de la division.
Le 25 août, le 62è est alerté à 4 h. Il reçoit l’ordre de mettre en état de défense et d’occuper la position Noyers, Vadelincourt et Fresnois avec mission d’interdire en outre les passages de la Meuse. A 9h 30, l’artillerie ennemie commence un tir court. A 10 h 15, notre artillerie répond.
L’ennemi pousse des éléments vers le pont du chemin de fer de Bouillon imparfaitement détruit ; mais la violence de notre feu d’infanterie et d’artillerie oblige ses éléments à se replier dans les rues de Sedan. L’artillerie lourde allemande entre en action et contrebat nos batteries de 75 en position vers la Marfée. Le 62è maintient ses positions toute la journée et bivouaque sur place.
On a battu en retraite mais l’ennemi a suivi de près, est entré dans Sedan et bombarde avec une artillerie bien supérieure.

Retraite sur la Meuse de l’ensemble de la 22è division


(Le récit est confus avec des notations de chronologie contradictoires).
Le 26 août, de bon matin, l’ennemi démasque une nombreuse artillerie qui bat tous les plis et replis du terrain. Notre artillerie, violemment prise à partie ne peut répondre. Profitant de ce déluge d’obus, l’infanterie allemande qui a réussi à passer la Meuse dans la presqu’île d’Ige, prononce son action à l’extrémité gauche du front tenu par le régiment et en dehors de ce front ; en face de ce dernier, l’adversaire ne fait aucune tentative de passage. Vers 15 h, de sérieuses forces d’infanterie allemande sont accrochées avec les nôtres.
Pendant que, sur le front de Vadelincourt, le bombardement continue toujours avec la même violence, l’infanterie ennemie presse vivement notre gauche, bouscule les faibles forces qui s’opposent à sa progression et s’empare de Fresnois. Entre 16 h et 17 h, la fusillade se fait nettement entendre derrière la position de Vadelincourt qui doit être abandonnée.
Le 62è, tourné sur sa gauche, à 19 h 30, reçoit l’ordre de se replier sur Château-Rocan (S-O de Chéhéry).
Le mouvement commence immédiatement pour les fractions de Vadelincourt et s’exécute en bon ordre malgré la violence du feu de l’ennemi et la traversée des bois de la Marfée fortement fouillés par l’artillerie adverse.
Les compagnies de gauche font face à l’attaque et essaient de limiter les progrès de l’ennemi. Le 3è bataillon reçoit l’ordre du général commandant la 22è DI d’exécuter, en liaison avec le 65è RI (Nantes), une contre-attaque sur le Fresnois.
Ce mouvement est arrêté par un feu très violent de l’artillerie et surtout de l’infanterie ennemie qui tient déjà les lisières nord des bois de Fresnois et de la Marfée. Mais l’héroïque résistance de ces éléments permet aux autres fractions du régiment, engagées dans les bois touffus de la Marfée, d’en sortir et de se reformer au N-E de la ferme de St Quentin (ce sera dans la nuit).
A 14 h (sic), le 62è est reporté à l’attaque dans la direction de Cheveuges où quelques fractions parviennent à pénétrer (8è et 11è compagnies), mais le gros ne peut déboucher du bois qu’à la nuit tombante.
A 21 h, le régiment occupe Cheveuges avec le 2è bataillon et quelques compagnies des 1er et 3è bataillons.
Dans la nuit, ordre d’évacuer le village et de se porter sur Chéhéry. Les éléments du régiment bivouaquent vers Chéhery et la ferme de St Quentin (2è bataillon).
Ils ont marné comme des fous le 26 ; à peine établis dans Cheveuges, ils évacuent en pleine nuit, bivouaquent à Chéhéry, et repartent très vite pour Malmy.
Le 27 août, le régiment se reforme à Malmy où doit être prise une position de repli pour permettre à la DI de se reconstituer.
A 13 h (contre ordre, on contre-attaque), le 11è CA reprenant l’offensive, le 62è quitte Malmy et se porte, par Chéhery, dans la direction de Bulson-St Quentin où la DI doit contre-attaquer.
Chemin faisant, les artilleurs en position rapportent que tout va bien ; le mouvement réussit complètement. Nos hommes sont pleins d’ardeur et, lorsque les compagnies du régiment se déploient en débouchant du bois du Rond-Caillou, c’est avec quelques coups de fusil tirés, une véritable poursuite qui commence. Les Allemands laissant de nombreux morts sur le terrain fuient en désordre sur Noyers et Pont-Maugis. On les poursuit jusqu’au bois de Noyers faisant une trentaine de prisonniers. Quelques groupes du 62è dispersés participent avec des éléments du 137è et de la 21è DI à l’attaque de Chaumont-St Quentin et à la prise d’un drapeau ennemi. Le régiment bivouaque sur ses positions (ceci laisse supposer que la contre-offensive a été menée jusqu’au bois de la Marfée, au-delà de la ferme de St Quentin, mais si l’on en croit la suite, le front est plus au sud, route de Bulson, et le régiment tient son bivouac encore plus au sud).
Le 28 août, au jour, le 62è se reporte en avant et va s’établir au sud du bois de Chéhery, près de la route de Bulson, cote 299, en soutien au 116è qui tient le front.
Vers 10 h, un mouvement de retraite se produit parmi les éléments engagés vers la ferme de St Quentin et à l’est (44è brigade et division de réserve), le régiment s’établit au N-O de Bulson, tenant les couloirs débouchant de Thélonne. Il reste ainsi en position jusqu’à 18 h. A ce moment, il reçoit l’ordre de se porter sur la ferme de St Quentin pour appuyer l’offensive de la division de réserve. Le régiment bivouaque à la ferme de St Quentin, couvert dans la direction du nord par le 3è bataillon aux avant-postes.
Autrement dit, l’attaque d’hier de la ferme de St Quentin avait échoué et celle d’aujourd’hui échoue aussi puisqu’on repart dans la nuit direction Vendresse.
 

Parmi les pertes de ce jour, un soldat de la classe 11 du canton de Guémené :
Le Gac Jean Marie, né à Berné, sabotier au Faouët en 1912, incorporé au 65è RI, mort pour la France le 28 août 1914, enterré au cimetière de Chesnes (petite localité au sud de Vendresse).
Un soldat de la classe 14, de Ploërdut :
Chevanche Louis Marie, né le 27 novembre 1894 à Ploërdut, orphelin depuis l’âge de 8 ans, engagé volontaire à Brest le 25 juillet 1913 pour 3 ans au 19è RI, soldat de 2ème classe, disparu le 28 août 1914 à Chaumont St Quentin.
Soldat du 19è, il avait échappé à l’hécatombe de Maissin. Sa vie s’arrête ici. Il n’avait pas 20 ans. Son frère Jérôme, son aîné, infirmier militaire pendant la guerre, sera tué dans un accident de train sanitaire en 1918.
Deux photographies de Louis Chevanche prises sous l’uniforme de 2ème classe du 19è RI de Brest.
       
  
En 2006, lors de notre visite, on voyait également le portrait qui suit dans la salle du conseil, à la mairie de Ploërdut, comme celui de tous les soldats de la commune tués à la guerre de 14-18. Il avoisinait celui de son oncle Joseph Chevanche, mort en 1915 (non pas à 20 ans, comme il est écrit mais à 33 ans).


Le 29 août, à minuit 15, le 62è quitte le bivouac pour reprendre ses anciennes positions de la veille. Il se porte ensuite par Connage-Omicourt et les bois, sur Vendresse où la 43è brigade doit prendre position pour couvrir la retraite du CA.
Le 62è occupe la hauteur à l’ouest de Vendresse, 2ème et 3ème bataillon, en 1ère ligne, battant les lisières du village et du bois Charlemagne ; le 1er bataillon est en réserve à Terron-les-Vendresse.
A 15 h, le régiment quitte ses emplacements et se dirige par Terron-les-Vendresse, vers Louvergny, où il cantonne sous la protection d’avant-postes fournis par le 116è.

En conclusion, les brillantes contre-offensives ont tourné au fiasco ; on opère un repli qui n’a rien de stratégique, car cette fois, c’est tout le Corps d’Armée qui fuit. Nos régiments morbihannais, 62è et 116è, sont utilisés à tour de rôle pour couvrir la retraite. On ne donne aucun bilan de toutes ces péripéties qui ont, pourtant, coûté la vie de nombreux soldats. La déroute ne s’arrêtera qu’à la Marne.


****

Mais la bataille de la Marne, tout le monde connaît, c’est une victoire, alors....
Pour en savoir plus :
Jean Yves Le Naour : 1914, la grande illusion ; éditions Perrin, 2012.
Jean Galtier-Boissière : la fleur au fusil ; éditions Baudinière, 1928.
Blog 1 : articles sur Maissin et forum pages 14-18, par Jean Yves Rio
Blog 2 : Historique du 2è RCC, chez Lavauzelle, 1920, numérisé par Isabelle Lainé


Remerciements à nos amis belges
Dohan : un homme au bonnet de laine, ancien chauffeur routier, épatant bavard devant l’Eternel, qui connaissait tout sur Muno, Bertrix, Paliseul, Maissin, l’abbaye de Beth et la région parisienne ;
Maissin : la boulangère aussi aimable et gentille que son pain et ses pistolets fourrés étaient bons ;
Opont : le factotum de l’abbaye, avenant et coopératif.

A la mémoire de tante Rosalie qui nous prêta ses photos qu’elle savait si bien commenter : « Dans la famille de ma mère, on envoyait les gars à l'école; mais pas les filles. Mon oncle Louis Chevanche était instruit. Il a vécu longtemps à Brest où il est mort. Avant d'être percepteur, il avait servi dans l'armée où il était gradé. Il a eu 2 enfants, morts avant lui. »




1 commentaire:

  1. Inimaginable la souffrance de ces soldats (pas tous).
    J'ai visité par curiosité les archives départementales concernants mes parents militaires, c'est à pleurer, ils étaient tellement dans la misère ça n'a pas été dificile de les tromper et de les transformer en chair à canon.
    Et ça continue... et pas très loin

    RépondreSupprimer