À GUÉMENÉ-SUR-SCORFF...
sur les pas d' ÉMILE MAZÉ
MOTS CROISÉS
d'anciens élèves du Lycée Dupuy de Lôme replié à la Pomme d'Or
et de gens qui ont partagé un moment de sa vie.
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Le mois de Mai revêt pour Guémené et la région une importance toute particulière en référence aux événements tragiques qui se sont déroulés en 1944.
Emile Mazé fut un personnage-clé de la résistance et notre blog vous propose de mieux le connaître en le suivant au fil de ces journées douloureuses pour notre cité et la région.
Nous sommes heureux de vous faire partager le travail d'un passionné qui n'eut de cesse de collecter des informations, des rencontres, des témoignages, de l'attention avec le souci de transmettre la vérité. Nous tenons à le remercier.
_________________________________________________________________________LORIENT BOMBARDÉ, LORIENT MARTYRISÉ
Y a-t-il quelque chose de commun entre des adultes accablés
par 3 ans de guerre et un enfant insouciant qui a gagné aux billes ? Oui.
Ce matin du 17 janvier 1943, les yeux bouffis d’un mauvais sommeil, au sortir
de l’abri où ils ont passé la nuit, ils découvrent leur ville massacrée,
fantomatique, lugubre champ de ruines noires sur lequel flotte une écœurante odeur
de carburant et de caoutchouc brûlés.
Quelques heures plus tard, ils ne sont plus qu’un
troupeau de fuyards, marchant la peur au ventre et le désespoir aux reins.
Symbole de ce monde détruit, le proviseur du lycée pousse sa brouette comme un
jardinier, emportant avec lui les sceaux de l’établissement et les graines du
savoir, entouré de sa garde de professeurs prostrés et pensifs. Vagues de
migrants en étrange pays dans leur pays lui-même, c’est l’exode ; demain
ils seront des réfugiés.
Le lycée Dupuy de Lome replié à Guémené…
C’est un triste et pâle lycée qui renaît de ses
cendres, hébergé du mieux possible mais éclaté entre l’ancien hôtel de la Pomme
d’Or et les Cours Complémentaires de garçons et de filles. Le prestigieux
établissement qui comptait encore 637 garçons en juin 1940 a vu ses effectifs
fondre avec l’évolution des événements ; les classes préparatoires à St
Cyr et Navale dont il s’enorgueillissait ont été supprimées, faute d’inscrits.
A Guémené, ils sont moins de 200 élèves y compris les filles de l’ex Collège (on estime que, bon an mal an, environ 300 Lorientais ont fréquenté la Pomme d'Or entre 1943 et 1945).
Les professeurs déracinés font ce qu’ils peuvent, ils enseignent avec les moyens du bord dans des conditions difficiles ; on manque de tout, de place, de matériel, de livres etc.
La cour de la Pomme d’Or tient lieu de salle des
profs. Leur quotidien tourne à la routine dans une atmosphère grise et étouffante.
En dépit de sa pétulance, Guémené ne peut faire oublier l’attrait d’une grande
ville comme Lorient. Les plus déracinés tournent en rond, dans un quotidien
triste à mourir, entre la préparation des cours et les copies à corriger. On se
rend au restaurant comme on irait à la cantine ou à l’ordinaire des matelots.
Heureusement, les grands élèves externes apportent quelque note allègre et pétillante
en délirant comme on sait le faire à 17 ans. Les jeunes grandissaient cependant
que les gens bien se morfondaient en s’écoutant vieillir.
Quelques-uns de de ces professeurs ne s'en remettent pas. L'un surtout. Il a un peu moins de 50 ans. Au temps de la grandeur du Lycée de Lorient, il enseignait les mathématiques dans les classes préparatoires aux Grandes Ecoles, Saint-Cyr, Navale, Math Sup ; faute d'effectifs, elles n'ont pas trouvé place à Guémené. On le dirait résigné.
Quelques-uns de de ces professeurs ne s'en remettent pas. L'un surtout. Il a un peu moins de 50 ans. Au temps de la grandeur du Lycée de Lorient, il enseignait les mathématiques dans les classes préparatoires aux Grandes Ecoles, Saint-Cyr, Navale, Math Sup ; faute d'effectifs, elles n'ont pas trouvé place à Guémené. On le dirait résigné.
Collectif de rédaction du livre
« La Pomme d’Or »,
les professeurs.
« Enfin, celui-ci dont
tout le monde se souvient aujourd’hui, avec un mélange d’émotion et de respect,
c’est Emile Mazé, le prof de maths des
Terminales.
A cette époque de forts en
thème, les mathématiques n’occupaient pas la place majeure qu’elles ont prise,
depuis, dans l’enseignement, et Mazé, avec ses
allures de poète et bohême style Montparno, était, lui aussi, un
anticonformiste d’un autre genre. Vêtu le plus souvent d’un vieux costume gris,
plus ou moins propre, trois pièces, avec un gilet, il n’hésitait pas à se
promener les mains dans les poches, la veste déboutonnée, alors que les autres
professeurs se promenaient dans la cour les mains derrière le dos.
Il venait quelquefois au
lycée sans chaussettes dans ses chaussons et ses sabots. Il portait le cheveu
et la barbe longs, et c’est sans doute pourquoi, sans savoir à quel point il
allait être crucifié aux bords de la fosse commune de Port-Louis, nous l’avions
appelé "Jésus".
Il maniait volontiers la
contrepèterie, par exemple « le clair de terre de Verlune » pour
« le clair de lune de Werther », car il se passionnait pour la
cosmographie et s’efforçait de transmettre sa passion aux élèves.
Son enseignement en
mathématiques était tout aussi surprenant et fascinant. Il se lançait tout à
coup, devant les élèves qui l’écoutaient religieusement, dans une ahurissante
et brillante démonstration. Puis, soudain, tout en bas du tableau, en se
retournant avec un regard malicieux, il écrivait en travers
« chocolat ». « Vous êtes chocolat ! » disait-il, et
il partait au fond de la classe. Les élèves devaient alors trouver l’erreur
dans la démonstration, le dérapage dans le raisonnement, et ça carburait
dur ! Les neurones se mettaient au travail, c’était à qui trouverait
l’erreur…
Anonyme, les
professeurs.
Monsieur Mazé
surprenait avec ses cheveux longs et sa barbe. Il portait un costume gris sale
et allait pieds nus dans des savates. Il mangeait du pain sec pendant les
cours. Il nous faisait au tableau des démonstrations que la classe suivait
religieusement (il avait une réputation de bon professeur). Quand il écrivait
en travers « nous sommes chocolat », on était dans la m...
Remarque :
On sait aujourd’hui qu’être « chocolat » se rapporte au pauvre clown
Chocolat (voir ce film) dont la destinée était de recevoir des coups de pied au
c… administrés par son partenaire Footit, le clown blanc.
Dérout Denis,
élève de Math Elem, 1942-43.
La photo me
rappelle l’attitude favorite de M Mazé : les deux mains dans les poches
horizontales de son pantalon, que l’on appelait alors " poches à la mal au
ventre ". Le rappel de l’explosion « chocolat » me fait souvenir d’une autre
expression quasi automatique lorsqu’un élève restait « sec » devant un exercice
au tableau ; M Mazé amenait invariablement « Comme le loup de Vigny, souffre et
meurs sans parler ».
Je garde de
lui le souvenir d’un homme généreux, tourné vers les autres. La plupart d’entre
nous n’avaient plus de livres, perdus à Lorient ; il nous distribuait ses cours
ronéotés.
Propos recueillis à
l’automne 2014.
Hélène, avez-vous connu le professeur
Mazé ?
« Oh oui, Mazé,
c’était mon copain ! Il arrivait tous les jours chez nous à la maison
après ses cours. Il venait s’asseoir dans la cheminée car il avait froid et
n’avait pas de chauffage chez lui. On lui servait un verre de café de guerre,
comme on disait à l’époque. Il s’essuyait la bouche, fouillait dans ses poches
qui n’étaient pas très propres et sortait des gâteaux que lui avait vendus la
boulangère. Il me disait à voix basse en chuchotant : « je vous
donne un gâteau ! » Alors il était bien au coin du feu. Il venait souvent,
je le voyais presque tous les jours.
Et certains soirs, nous voyions apparaître
dans la cour un jeune homme. Maman le faisait entrer dans la cuisine pour qu’il
n’aille pas dans la salle de café. Il portait des messages à Monsieur Mazé, en douce, comme ça. Il faisait partie
de la Résistance mais à l’époque nous ne le savions pas.
Monsieur Mazé
venait s’asseoir près du foyer pour se sécher et se chauffer et il était
content d’être là. Ils avaient du mérite, tous ces Lorientais, moi je les
admirais profondément, car ils étaient mal installés. Monsieur Mazé ne se plaignait pas, jamais. »
Cahin-caha, on tiendra ainsi jusqu’aux grandes
vacances. Citons, néanmoins, un événement marquant du dernier trimestre.
Le dimanche 9 mai 1943 a lieu une kermesse
organisée en faveur des prisonniers. Elèves et professeurs s’y rendent en rangs
serrés, notamment ceux de la classe de Math Elem dont un grand nombre sont
présents sur cette photo ainsi que le professeur Mazé. Sont cités, de gauche à
droite : assis au 1er rang : Yves Nicaise, Georges
Kerhyuel, Marie Louise Personnic, Emile Mazé professeur, Simone Le Luec
(philo) ; au second rang, debout, x, Micheline Le Treis (philo), René Le
Caignec, Marie Thérèse Evin (philo), Ginette Bonnefoi, Paul Gérot (1ère
C), Denis Dérout, Georges Le Floch, Pierre Rousseau, Robert Modeste, Robert
Orvoine, André Olier, Eugène Le Blanc, professeur de philo, et peut-être deux personnalités locales.
Mais, à en croire le témoignage qui suit, Emile
Mazé aurait peut-être déjà eu partie liée avec la Résistance ?
Le Caignec René, élève de Math Elem, 1942-43 : compagnons
de route de Guémené à Douarnenez.
La mère de Monsieur
Mazé habitait à Douarnenez, rue Voltaire, au fond d’une petite impasse,
juste avant la maison de ma grand-mère.
Lors d’une petite vacance (Ascension), il me demanda comment j’allais rentrer à
Douarnenez. Je lui répondis : « par le train que je prends à St Nicolas
des Eaux après 20 Km à pied ». Il acquiesça : « Je vous
accompagne ».
Nous sommes donc partis de Guémené en fin
de matinée. Il portait une petite valise qui lui paraissait de plus en plus
lourde. J’avais un petit sac à dos. Au bout de 10 Km, je lui proposai de porter
sa valise. Il refusa d’abord, puis, après 1 ou 2 Km, il accepta. Je fus un peu
surpris par le poids ; la valise devait peser plus de 10 kilogrammes. Je
l’ai portée jusqu’à la descente sur St Nicolas. A cet endroit, j’ai aperçu des
« Feldgendarms » qui montaient. Je l’ai dit à Mazé. Il a immédiatement repris sa valise et m’a demandé de le
suivre à plus de 100 mètres.
Les Feldgendarms ont bien reluqué Mazé au passage et ils rigolaient comme des bossus en
passant près de moi, parlant de la dégénérescence de la race française.
Nous avons pris le train et Mazé a posé un journal et une casquette sur le siège
en face de lui, au-dessus duquel (dans le filet) il avait placé sa valise. Il a
fait de même à chaque changement de train.
Entre Quimper et Douarnenez, je me suis
décidé à lui poser une question qui me brûlait les lèvres depuis longtemps.
« Monsieur Mazé, pourquoi avez-vous fait
mettre votre table à l’Hôtel de l’Univers à Lorient (où Mazé prenait pension
jusqu’en 1943), dos tourné aux officiers du 62ème RI réunis pour un
dernier dîner la veille de leur départ au front ? » Mon père en faisait
partie et en avait été profondément choqué. Mazé
est resté muet deux bonnes minutes puis : « Je le regrette. Je ne
savais pas… » (Un long silence encore avant de me parler de Jaurès et
disant que Jaurès se serait engagé s’il avait su…)
Sur le moment, je n’avais rien compris à
toute cette attitude depuis notre départ de Guémené ni à son discours sur
Jaurès. J’ai compris après le 8 mai 1945 lorsque j’ai appris tout ce qui
s’était passé à Guémené depuis mon départ en juillet 1943.
Ce témoignage est ambigu. Il laisse supposer que
Mazé transporte quelque chose de dangereux, peut-être une arme ou du matériel
radio. Or l’événement a eu lieu en juin 43 (ascension le 3 juin) à une époque
où Mazé n’était pas engagé dans la Résistance, du moins pas à Guémené.
Interrogé à ce sujet, Denis Dérout nous écrit
ceci (mars 2016) :
Dérout Denis, élève de Math Elem, 1942-43.
« Je
savais que M Mazé, excellent marcheur, faisait
à pied le trajet Guémené – St Nicolas des Eaux et retour lorsqu’il se rendait
dans sa famille à Douarnenez. Je n’ai aucune idée sur ce que pouvait contenir
sa valise d’autant plus que notre groupe n’avait pas encore été constitué. Il
m’avait dit qu’à Douarnenez, il avait un frère qui appartenait à une filière
d’exfiltration (comme on dit aujourd’hui) vers l’Angleterre. En décembre 43, il
m’avait promis de proposer ma candidature pour un prochain voyage, mais, au
retour des vacances, début janvier 44, il me dit qu’il fallait remettre ce
projet car le réseau venait d’être désorganisé par des arrestations. Sans
suite. »
AMI, ENTENDS-TU ?
A la rentrée d’octobre, l’état d’esprit change radicalement.
Une agitation discrète, un mouvement qui prend forme lié en partie à l’instauration
du STO (Service du Travail Obligatoire) animent le carré des grands dont
plusieurs s’engagent résolument dans l’action. Ils seront cités dans le
discours du proviseur, M. Cusset, le 11 juillet 1945. On n’en est pas encore là.
Eclairage fourni par un des premiers résistants du
secteur, Alphonse Tréhin, ici extrait d'une photographie avec sa section en août 44.
Tréhin Alphonse, constitution du groupe de résistants de
Guémené.
Témoignage recueilli le 30 mai 2003, par
Jean Tréhin, président de l’amicale des Anciens Elèves de la Pomme d’Or.
En 1943, Alphonse
Tréhin est en stage pratique d’instituteur au Sourn, près de Pontivy.
Début octobre, il rencontre Dervieux, alias Mayenne, son ancien professeur. Celui-ci, responsable
du « Service National Maquis », lui demande de constituer un groupe
de résistants à Guémené.
Tréhin prend contact avec des jeunes de la
région et recrute ; ils seront finalement une dizaine dont les frères Trébuil, Jean Le Stunff (adjudant de gendarmerie), Le Beller…
Ce groupe, modeste, discret, n’avait pas de
tâches bien définies au début hors la mission d’assurer la protection des
jeunes de la classe 42 réfractaires au STO, en leur fournissant de fausses
cartes d’identité. Or, à cette époque, pour avoir plus de chances de passer
sans encombre en cas de contrôle, il valait mieux présenter une carte portant
un timbre fiscal à 13 F (ancien tarif) plutôt qu’une carte flambant neuf
timbrée à 15 F, tarif qui venait d’entrer en vigueur. Usant de persuasion mais
sans contrainte, Tréhin obtient 25 timbres à 13 F du receveur de
l’enregistrement de Pontivy, épatant Dervieux par sa réussite.
Le groupe maintenant constitué et soudé
reçoit un jour la visite d’un responsable de « l’Armée Secrète » en
tournée d’inspection des maquis, accompagné de Dervieux et piloté par Montmayeur – le futur maire de Guémené – garagiste de
son état. Pour les besoins de cette tournée, Montmayeur, s’était procuré 20
litres d’essence achetés à un chauffeur travaillant… pour les Allemands.
Après cette inspection qui confirme son intégration
à l’Armée secrète, le groupe admet de nouveaux éléments. Les effectifs auront
bientôt plus que doublé, 22, grâce notamment
à l’adhésion de jeunes réfractaires au STO venus de la région
parisienne.
Elève-maître, Tréhin était souvent absent.
Et puis, âgé seulement de 20 ans, il souhaiterait confier la direction à quelqu’un de plus expérimenté,
mais il échoue ; sollicité, le père Feuillet, son ancien directeur, a
refusé car il craint de compromettre la sécurité du groupe. Tréhin attendra la
relève.
A la fin de 1943 (décembre ?), Francis Trébuil avance le nom de Mazé pour renforcer le groupe de Guémené. Alphonse
Tréhin, de prime abord réticent compte tenu du physique de « Jésus »,
préfère réserver sa réponse et consulter Dervieux. Après discussion, le
responsable considère que le physique atypique de Mazé pouvait aussi bien
constituer un atout. Cependant, il tenait à se faire par lui-même son opinion.
Les deux hommes convinrent d’un rendez-vous dans un petit square de
Pontivy situé à proximité de la prison. Tréhin devait s’y rendre en compagnie
de Mazé, lequel ignorait tout de l’affaire, et
attendre là sur un banc en devisant. Dervieux passerait devant eux comme un
promeneur ordinaire et tranquille. S’il revenait sur ses pas, c’est qu’il était
d’accord. Dervieux revint effectivement sur ses pas. C’est ainsi qu’après avoir
subi cet examen de passage pour le moins très spécial,
Emile Mazé intégra l’organisation et se vit confier comme mission
principale la collecte de renseignements.
En février 1944, pour des raisons
professionnelles l’appelant à Rennes, Alphonse Tréhin quitte provisoirement le
groupe et le professeur Mazé en devient le
responsable.
Les objectifs de cette « Armée
Secrète » : distribution de tracts et collage d’affiches ;
contre-propagande ; récupération des listes des jeunes désignés pour le STO
afin qu’elles échappent aux Allemands ; organisation du réseau et
instruction militaire sur les armements ; réunions clandestines dans un local
annexe de la menuiserie Le Cunff dont les fils Jean et Francis font partie du
groupe ; formation des cadres ; coups de main, par exemple crever les
pneus des véhicules qui transportent les ouvriers vers l’arsenal de Lorient et
ceux de la construction du mur de l’Atlantique.
Les lycéens impliqués restent
prudents et vagues ; ceci explique qu’à de rares exceptions, leurs jeunes collègues
n’ont pas de souvenirs précis avant la rafle du 2 mai.
Le Doussal Marcel, un petit qui a fait deux années à Guémené,
6ème et 5ème, en 43-44 et 44-45.
En tant que petit, pas de
connaissance particulière sur la Résistance, à part les placards sur les murs
parlant des « terroristes » et de leurs « abominations ».
Notre résistance à nous, déplacements CC - la Pomme, colonne par trois, en
chantant. Les rafles provoquaient l’éclipse partielle de pions et des grands ;
au retour, ils nous la faisaient sur un
ton blagueur mais restaient volontairement vagues concernant leur base de repli
ou leur planque.
Discours du proviseur du 11
juillet 1945, marquant la
fin de la période guémenoise, extrait concernant l’engagement dans la
Résistance.
Les ferments de résistance disséminés dans
la Pays commencent à travailler la pâte ; partout, des hommes courageux,
des enfants admirables s’assemblent en secret et, conjurant contre l’occupant,
préparent silencieusement la résistance de la Nation. Au lycée même, le
professeur Emile
Mazé constitue un groupe tandis qu’à Rennes, où l’exode l’a conduit,
Nordmann,
autre collègue, se voit confier la mission d’organiser et de conduire la
résistance des quatre départements bretons.
Simultanément, la réaction allemande
grandit ; la Gestapo, secondée par la Milice, va faire régner la terreur
sur la France entière. Dans les villages, comme au sein des grandes cités, des
lieux de torture s’installent où des fanatiques rendront une dérisoire justice
après que des bourreaux animés d’un plaisir sadique eussent torturé sans se
lasser ceux que leur courage et l’amour de la patrie auront fait tomber entre
leurs mains. Les arrestations se succèdent ; jeunes et vieux, femmes et
enfants, tout est proie pour l’envahisseur rendu furieux par le sentiment de sa
perte imminente. A Guémené, on déplore déjà deux victimes, Joseph Pérès, frère infortuné d’un
de nos collègues, et Robic, précieux auxiliaire du maquis. La gestapo
pieuvre immonde installée dans la localité voisine de Locminé, étend parfois
ses tentacules jusqu’à nous. Le 2 mai 1944, l’un de nos jeunes élèves de
Première, Francis
Trébuil est arrêté par les Allemands en même temps qu’Aimé Trébuil,
son frère, Jean Feuillet et Jean Martin, tous quatre membres d’un groupe ayant
pour chef le professeur Mazé.
L’épisode de la rafle frappant au sein même du lycée a marqué les esprits. L’arrestation des frères Trébuil a eu lieu dans le dortoir des filles et a provoqué un choc immense.
L’accrochage du 30 avril 1944 et ses conséquences
Version reprise de Roger Leroux : « le Morbihan en guerre » :
« Route de Guémené à
Langoëlan : sept hommes tirent sur une voiture allemande dans laquelle
deux passagers sont atteints. La réaction allemande est rapide. Le lendemain les
troupes cantonnées à Guémené encerclent le maquis de Plouray-Mellionnec où se
trouvent 34 hommes dont seulement 8 armés. Le 2 mai, les maquisards parviennent
à se dégager, à l'exception de Jacques
Tack qui est arrêté à Paule et fusillé sur place.
Ce même jour, vers 6 h 30
du matin, à Guémené, les Allemands cernent les maisons où demeurent les hommes
qu'ils recherchent. Beaucoup de jeunes échappent à l'arrestation en
s'allongeant sur les toits et parviendront à se replier sur le camp de Venec en
Mellionnec. En revanche, pour s'être découvert trop tôt, Jean Martin, membre de l'Armée
secrète, est arrêté. Le même sort attend ses trois camarades, Jean Feuillet et les frères Trébuil. »
Nous étions peu au courant des activités
des résistants. Pourtant, nous avons assisté, quand nous étions installées dans
le « dortoir Trébuil », à l’arrestation des deux frères Trébuil.
A
l’aube, Monique Nachtergaele m’a réveillée en m’indiquant que des Allemands
étaient dans le dortoir. En effet, nous avons vu les deux frères se faufiler
dans des lits libres et ensuite dans la partie de la salle qui servait de
lavabos et qui était contiguë à leur logement, ainsi que Monsieur et Madame
Trébuil, que les Allemands tenaient en joue. A un moment, Monsieur Trébuil a
appelé ses fils qui se sont présentés et sont partis. Nous étions terrifiées et
pour cette raison, mes souvenirs ne sont peut-être pas précis. L’immeuble, et
même le quartier, a été encerclé toute la matinée par l’ennemi et il nous a été
interdit de sortir du dortoir. Une rafle générale a eu lieu ce jour-là à
Guémené.
La panique
des filles, souvent très jeunes, était telle que les récits présentent parfois
des variantes. Se reporter aux témoignages vibrants rapportés par le blog après
la rencontre du 4 septembre 2014 avec l’Amicale (cliquer ici *) ; et lire les récits dans le
livre « la Pomme d’Or » édité par l’Amicale.
Dérout Denis, lettre du 17 9 2014 : arrestation
d’Emile Mazé dans la soirée du 3 mai 1944.
Etais-je avec Francis le Cunff ou fort probablement j’étais seul. J’ai rencontré M Mazé à son retour de Douarnenez, sans doute à
l’hôtel Coguic où nous prenions nos repas ; je n’ai pas de souvenir
précis, sinon la réaction de M. Mazé qui est
restée gravée dans ma mémoire. A la proposition de rejoindre notre base de repli
au Venec, près de Mellionnec, il prétendit qu’il était trop reconnaissable et
répondit à la possibilité de se faire raser et couper les cheveux :
« Je suis trop laid ».
C’est avec une grande émotion que je
revois, à la lecture de Lorient Magazine le professeur Mazé et Francis Trébuil que j’ai bien
connus pour avoir vécu à Guémené d’octobre 1939 à septembre 1946.
Elève du Cours Complémentaire, j’avais 14
ans en 1944. Je connaissais le professeur comme voisin de rue dès qu’il est
venu habiter dans l’habitation « Ty Ru ».
Il me reste de lui le souvenir d’un Monsieur barbu, atypique pour son époque,
discret, répondant aimablement à mes bonjours quotidiens.
Lorsque deux soldats allemands sont entrés
chez lui, n’ayant pas classe (était-ce un jeudi*, un dimanche ou bien le soir
après l’école ?), nous en fumes avisés par son voisin René Sciellour. Si
bien que nous étions quelques enfants (j’étais l’aîné) présents lorsque il est
sorti encadré par les soldats. Il tenait dans les bras une paire de sabots de
bois jaunes ; nous voyant, il a demandé et obtenu l’autorisation de nous
saluer : « Au revoir les enfants » nous a-t-il dit en nous
serrant la main à tour de rôle.
* Oui ! Le 4 mai était bien un
jeudi.
Note : des informations émanant de plusieurs
correspondants du blog concordent pour situer dans le quartier de la Garenne la
maison Ty Ru où logeait Mazé.
La montée au supplice
Emile
Mazé a rejoint ses compagnons d’armes arrêtés avant lui.
Ce n’est qu’après la fin de la guerre qu’on
connaîtra leur parcours. Ils ont été torturés au siège de la gestapo à Locminé,
puis transférés prisonniers dans les geôles du fort de Port-Louis.
Aucun témoignage direct de la séquence Locminé.
Nous empruntons au site internet « les amis de la Résistance du
Morbihan » le rapport suivant fourni par un médecin.
La prison de Locminé,
rapport du Docteur Devau publié en octobre 1944 :
[Trois pièces
dans l’école] servaient de cellules. Basses de plafond, aucune des trois pièces
ne présente d'ouverture directe (fenêtre ou lucarne) donnant sur l'extérieur.
Elles ne reçoivent aucune lumière du jour. Les portes sont très lourdes,
épaisses de 30 cm, et ferment hermétiquement. L'une des portes fait communiquer
deux de ces pièces, les deux autres donnant dans un petit couloir
Selon le
témoignage d’un rescapé recueilli par Charles Floquet, voici
comment se déroulait un interrogatoire
“ordinaire” :
« Après la déclaration d'identité,
on vous entravait les poignets, vous receviez quelques coups de poing et de
cravache sur la figure. On vous mettait un mouchoir dans la bouche, ensuite un
bâillon immonde dessus. Ce bâillon traînait sous les pieds. On vous faisait
vous accroupir, les mains entravées prenant les genoux, puis on vous passait
une barre de fer entre les genoux et les coudes, pour vous empêcher de vous
relever. Alors la séance commençait, qui durait un quart d'heure ordinairement.
Deux, trois, quatre hommes, armés de matraques en bois ou en caoutchouc,
frappaient en cadence la partie du corps qui se présentait le mieux. »
De l’incarcération à la citadelle de Port-Louis,
c’est un jeune résistant de retour de captivité en Allemagne, Théodore Le
Dortz, ancien codétenu des martyrs, qui fournira un témoignage poignant sur
leurs dernières heures.
Ce récit sera rapporté partiellement par le
proviseur du lycée le 11 juillet 1945 dans son discours à la Pomme d’Or,
clôturant la dernière année guémenoise. Nous complétons ici par des emprunts au
site mentionné plus haut.
Théodore
Le Dortz, conditions de vie des détenus à la citadelle de Port-Louis :
De temps en temps aussi, les
gardiens rentraient dans les cachots, ils voulaient notre argent, tous nous
étions fouillés. Malheur à celui qui ne voulait pas le remettre, il était
impitoyablement bourré de coups de crosses et de coups de cravaches. Lors d'une
de ces opérations, nous avons aperçu le plus mauvais de nos gardiens sortir
d'une cellule avec un portefeuille qu'il a caché plus tard dans le jardinet. Combien
de fois avons-nous aussi entendu nos camarades des autres cellules crier,
hurler plutôt, pendant plusieurs heures sous les coups de ces sauvages. Nous,
dans les cellules à côté, nous serrions les poings en attendant notre tour de
correction. C'était long, c'était atroce… Je dois vous dire que la matraque qui
servait aux soldats à Port-Louis était un tuyau de caoutchouc d'une
cinquantaine de centimètres enroulé de fils de fer barbelés. »
« Sans doute voudriez-vous savoir
comment se faisaient les entrées à la Citadelle? C'était horrible. Une soixantaine
de soldats s'alignaient sur deux rangs depuis le portail du jardinet jusqu'à
l'entrée des cellules. Les prisonniers passaient entre ces brutes qui leur
donnaient chacun un coup de crosse de fusil. J'ai vu une de ces brutes casser
sa crosse de fusil sur la tête d'un camarade. Puis, après avoir reçu encore une
bonne correction dans le cachot, ils restaient là une journée et quelquefois
plus sans manger. Les patriotes blessés dans les combats ne recevaient aucun
soin et ils restaient plusieurs semaines avec des balles dans les mains et dans
les cuisses.
La nourriture ne s'est jamais
améliorée ... Combien de fois nous avons reçu du pain immangeable, un morceau
de moisissure plutôt, qui nous collait aux mains. Nous mourrions de faim, si
bien que lorsque nous sortions pour la corvée d'eau, nous remplissions nos
poches de pelures de pommes de terre que nous trouvions sur un tas d'ordures ;
mais les Allemands s'en étant aperçu, choisissaient pour cette corvée ceux qui
n'avaient rien à se reprocher et nous, les terroristes comme ils nous
appelaient, nous étions contraints de chercher les grains dans la paille.
Théodore Le Dortz, compagnon de cellule des Guémenois (récit
recomposé : large extrait du
discours du proviseur adoptant
compléments ou variantes pris sur le site internet cité, en particulier le
dernier paragraphe de Le Dortz).
«
C’est au mois de juin que commence notre bagne. Vous connaissez le décor :
trois cellules, trois caves plutôt, froides et humides donnant sur un petit
jardin entouré de barbelés. C’est là que nous avons passé les plus mauvais
jours de notre existence. Gardés par des soldats, des brutes pour la plupart,
pendant d’interminables journées nous avons attendu notre jugement, notre arrêt
de mort à tous.
Les
journées passent, monotones. Le matin, le lever est à 7 heures ; la sentinelle
de garde vient montrer sa tête à la lucarne et déplace les gros madriers qui
barricadent la porte. Quelques minutes plus tard, nous sortons pour nous laver
dans de grands baquets remplis d’eau fétide. Un moment après vient le déjeuner.
A tour de rôle, nous recevons une maigre pitance, cinquante grammes de pain
environ, souvent immangeable, et un quart de mauvais café. Puis nous rentrons
dans le cachot. Débarbouillage et déjeuner, tout s’est passé en cinq minutes.
C’est
alors, après avoir mangé, que nous passons nos meilleurs moments. Assis en rond
sur la paille humide, nous évoquons nos familles, nos amis, nos espoirs, nos
projets. Combien de fois avons-nous souri en nous racontant quelques aventures.
Après une, deux, quelquefois trois heures de ces entretiens, quand la
conversation commence à baisser et que le cafard nous gagne, Monsieur Mazé nous
conte quelque histoire et aussi quelque aventure de sa jeunesse, alors,
l’appétit nous revenant, nous tâchons de l’oublier dans d’interminables parties
de boulets trouvés par Monsieur Mazé en grattant le terre-plein de notre
cellule…
Mais
bientôt, fatigués, la faim nous creusant encore davantage l’estomac, nous nous
jetons sur la paille où nous cherchons les derniers grains de blé oubliés par
la batteuse et que nous mangeons de bon cœur. De temps en temps, Monsieur Mazé
qui a gardé sa montre de poche, rompt le silence par ces mots : « Dans trois
heures, la soupe ! » ; « Dans une heure, la soupe ! » ; « Dans vingt minutes,
la soupe ! » Cet avide désir de manger
dure tout l’après-midi et c’est avec plaisir que nous recevons vers cinq heures
le quart de choux ou d’eaux grasses. Ranimés par ce maigre repas chaud, nous
nous retrouvons encore assis tous ensemble sur notre mauvaise paille ; de quoi
parlons-nous alors ? L’appétit à peine assouvi fait germer en nous l’espoir de
repas plus gras. Ainsi parlons-nous repas. Combien de fois avons-nous parlé de
ce merveilleux réveillon que nous devions faire à Noël 44 à Locminé. Je dis
Noël 44 car nous avons tous pensé que la guerre serait finie pour lors. Nous
avions tous cette espérance, c’était cette espérance qui entretenait notre
Moral…
Puis
la nuit descend, nous réaménageons notre couche de paille et, serrés les uns
contre les autres, à deux et même à trois sous la même couverture, nous
attendons en silence le sommeil.
Un
matin, au début de juin, l’interprète est entré dans notre cellule ; il énumère
les noms de mes amis qui sortent l’un après l’autre, c’est le jugement… Ils ne
sont pas rentrés de la journée et quand ils sont revenus vers sept heures du
soir, nous avons mangé en silence. Ce soir-là la veillée a été triste. Pour la première fois nous avons oublié nos
projets et nos espoirs et nous avons arpenté le cachot en soupirant. Aimé avait
le cafard, il venait d’avouer d’avoir eu un révolver entre les mains. Francis a
pleuré un peu, il ne voulait à aucun prix être séparé de son frère.
Peu
à peu, les bonnes paroles de Monsieur Mazé rétablirent le calme et je me
rappelle encore qu’en souriant, il distribua à chacun sa peine. Il se donnait
10 ans de travaux forcés et gratifiait également Jean Martin de 10 ans ; puis venaient
Aimé Trébuil, Bertrand Perrennou et
Roger Le Cunff avec 8 ans. D’après lui, Francis Trébuil et Jean Feuillet qui
étaient hors de l’affaire devaient être déportés en Allemagne comme
travailleurs. Tous attendirent dans cette espérance, sans un moment de
défaillance jusqu’au 9 juin. Le soir de ce jour, l’interprète appelle mes sept
amis et leur demande de préparer leurs paquets pour le lendemain à 4 heures ;
ils vont partir pour Vannes.
La
porte refermée, nous sommes si heureux, que si ce n'est la peur des gardes,
nous aurions chanté. Oui, ils étaient heureux, moi aussi j'étais heureux de
leur bonheur : c'est dans la souffrance que se forgent les meilleures amitiés.
Et comme d'habitude nous avons veillé, nous avons veillé longtemps dans la
nuit. Nous avons reparlé de nos projets, de nos familles. Le lendemain 10 Juin,
vers cinq heures du matin, la sentinelle vient nous réveiller, il faudra partir
dans cinq minutes. Tous levés, nous nous donnons le dernier baiser en répétant
plusieurs fois : « à Noël à Locminé ! » et ils partirent en deux groupes pour
Vannes. »
Désormais,
black-out total. Parents et amis resteront sans le moindre contact, sans la
moindre information.
Il
s’agit d’une volonté délibérée de l’occupant répondant à des consignes
strictes.
Les
généraux nazis et les soldats sous leurs ordres s’étaient ainsi, au mépris de
la Convention de la Haye, conformés aux ordres de leur Führer, inscrits dans le
décret de décembre 1941 dit Nacht und Nebel « Nuit et Brouillard » :
«
Après mûre réflexion, la volonté du Führer est de modifier les mesures à
l’encontre de ceux qui se sont rendus coupables de délits contre le Reich ou
contre les forces allemandes dans les zones occupées. Notre Führer est d’avis
qu’une condamnation au pénitencier ou aux travaux forcés à vie envoie un
message de faiblesse. La seule force de dissuasion possible est soit la peine
de mort, soit une mesure qui laissera la famille et le reste de la population
dans l’incertitude quant au sort réservé au criminel. La déportation vers
l’Allemagne remplira cette fonction. »
Et
le régime de Pétain est complice
discours du 28 avril 1944 :
"Français,
quiconque parmi vous, fonctionnaire, militaire ou simple citoyen participe aux
groupes de résistance, compromet l’avenir du pays. Il est de votre intérêt de
garder une attitude correcte et loyale envers les troupes d’occupation."
Dès son arrivée en Bretagne, le commandant des G.M.R, l'intendant régional de police Tosello-Bancal est prié de se mettre en relation avec le colonel Heinz en place à Locminé pour déterminer les moyens de mise en œuvre des consignes suivantes :
- remettre immédiatement à la Feldgendarmerie les personnes arrêtées.
- communiquer immédiatement à la Feldkommandantur les noms des personnes dont les cartes d'identité sont falsifiées.
- garder en lieu sûr toute personne arrêtée.
- remettre immédiatement à la Feldgendarmerie les personnes arrêtées.
- communiquer immédiatement à la Feldkommandantur les noms des personnes dont les cartes d'identité sont falsifiées.
- garder en lieu sûr toute personne arrêtée.
L’horrible
méfait était si bien caché que, comme il l’expliquait dans son témoignage à
Ouest-France paru le 8 mars 1947, le jeune Théodore Le Dortz, lui-même détenu à
la citadelle de Port-Louis en mai-juin 1944 avec ses camarades, ignorait, avant
son propre départ pour la déportation, en juin 1944, que ceux-ci, qu’il avait
vus partir pour Vannes, croyait-il, avaient été en réalité fusillés.
L'espoir
fou de les revoir vivants était bien sûr partagé par leurs proches. Ainsi, Mme
Trebuil, dont les deux fils Aimé et Francis avaient été arrêtés le 2 mai 1944
était à ce point convaincue de leur retour à la libération du pays,
qu’apprenant la reddition de la poche de Lorient, elle projetait de faire un
bal pour fêter l’événement.
La
vérité ne sera connue qu’après la fin de la guerre, ainsi que le rapporte le
Journal Ouest France dans son édition du Mardi 22 mai 1945.
Les
massacres de Port Louis de mai à juillet 1944
Les Autorités
Militaires ont découvert dans la vieille citadelle de Port-Louis, un autre
ossuaire qui contenait les restes de soixante-neuf personnes. La découverte du
charnier aurait été faite le 18 mai (1945), l’exhumation et l’identification
des 69 cadavres de patriotes commençant le 19 mai. Six corps, dont un corps
féminin, n’ont pu être identifiés.
(Précision
ultérieure : un 70ème cadavre, de femme vraisemblablement, non
identifié lui aussi, était découvert en 1995 à l’intérieur de la Citadelle).
Le 11
juillet 1945,
lors d’une cérémonie officielle solennelle et compassée dans la
cour de la Pomme d’Or,
le proviseur reprend son discours.
Discours du proviseur, paragraphe réécrit qu’il substitue au dernier du témoignage de Théodore Le Dortz :
« C’est sans doute par cet euphémisme (partir pour Vannes) que les geôliers de notre infortuné collègue et de ses disciples
désignaient le grand voyage, celui dont on ne revient pas. Et le 10 juin à
l’aube, ils sont partis, heureux de sortir de l’humidité froide du cachot,
espérant revoir leurs parents et leurs amis à l’issue de la peine qui les
attendait ; mais ils ont tôt compris à la mine de leurs gardiens qu’ils
étaient promis à une destinée plus haute. Ils sont tombés bravement, les mains
cerclées de fer mais le front haut et la voix claire, pour crier, à l’ultime
minute, leur amour de la France. »
« Guémené puis Douarnenez ont rendu à ces
braves les honneurs qui leur étaient dus ; notre lycée, en son temps,
célèbrera aussi la mémoire de son jeune élève Francis Trébuil, garçon plein de vie et de courage, d’une si touchante jeunesse,
et celle de l’admirable Maître Mazé que nous
avons perdu. Nous nous rappellerons son sacrifice volontaire et nous nous
souviendrons du magnifique exemple d’abnégation qu’il nous a donné alors que,
pouvant encore échapper, il préféra demeurer sur place, attendre stoïquement
l’inévitable, afin de continuer à remplir, auprès de ses disciples, la mission
de Chef qu’il avait acceptée. Il savait alors que sa part serait lourde, nous
le tenons de sa bouche ; il jugeait sa responsabilité supérieure à celle
de ses camarades ; il pouvait craindre pour lui le pire alors qu’il
n’escomptait pour eux que des peines légères ; mais cet esprit lumineux et
farouche dont la vie avait été jusqu’alors presque banale, était marqué par le
Destin pour nous donner un exemple, admirable entre tous, définitif et capable
d’inspirer plus tard des générations de St-Cyriens qui viendront, dans la
classe qui portera son nom, arracher à son souvenir les Vertus
nécessaires. »
Le style
adopté, quelque peu ampoulé et pompeux, est celui d’un homme qui a été
maréchaliste, peut-être tout juste repenti. On peut croire que le proviseur ait
eu des rapports cordiaux avec Mazé, gaulliste et anglophile, et qui ne s’en
cachait pas. L’éloge glisse à l’apologie des vertus guerrières qui ne
manqueront pas d’inspirer les futures élites militaires, référence répétée d’un
certain idéal du lycée qu’il entend perpétuer.
Pour ma part,
j’aurais préféré un accent chaleureux et vibrant, à la manière de Malraux
saluant les héros de la Résistance : « Entre ici Jean Moulin, avec ton terrible
cortège… »…
… ou le ton
sobre que manifeste l’élève et compagnon de maquis de Mazé.
J’ai compris, en prenant connaissance du
témoignage de Théodore Le Dortz sur la vie des prisonniers à la citadelle de
Port-Louis, que M. Mazé s’était sacrifié
pour soutenir jusqu’au bout le moral des quatre jeunes de notre groupe arrêtés
la veille.
Comment terminer cet hommage à Emile Mazé sans
associer à son nom tous les lycéens et ses collègues qui ont contribué à la
lutte de la Résistance ? Le proviseur l’a bien compris et ne rate pas la
marche :
Discours du proviseur, hommage aux résistants et aux combattants :
«
Je citerai plutôt l’action de nos jeunes élèves : Borgne, Boulla, Clech,
Dérout, Faignot, Kernilis, Le Cunff, Le Floch, Le Garrec, Hens et Portanguen ;
de leurs aînés, les professeurs Mansion, Potier et Woerth, militants du maquis
déjà anciens dont les vaillantes poitrines devaient protéger nos villages
jusqu’au jour de la reddition inconditionnelle. Après la guerre clandestine,
ils connaîtront les rigueurs de la guerre ouverte et, dans les pires conditions
matérielles, cette armée en guenilles et en sabots, qu’on a si justement
comparée à celle de 1792, tiendra en échec 10 mois durant, un ennemi déterminé
à faire le plus de mal possible dans les bastions portuaires que lui a indiqués
son Commandement.
Kernilis,
le doux et juvénile élève de Philosophie de notre Lycée est des leurs ; il nous
souvient de sa gaîté, de sa modestie souriante et de sa déférence si aimable à
notre endroit, lors de ses visites de repos à Guémené. Hélas, il est couché
maintenant dans cette terre bretonne à laquelle il donne son sang en cette
matinée du 8 décembre 1944 ; il repose aux côtés de ses frères d’armes
Portanguen et Le Garrec, FFI eux aussi depuis le 6 juin qui devaient tomber
glorieusement à Telgruc le 3 septembre de la même année. »
Mai 2015 : ici M. Denis Dérout à Kervignac rendant hommage à Philippe Kernilis et Robert le Bon, tués ensemble. |
Denis Dérout, lettre du 4 8
2014 :
Cusset oublie au moins Freddy Borgat.
lettre du 17 9 2014 :
Phiphi (Kernilis)
a été tué à Kervignac le 5 décembre dans l’après-midi, vers 16 h ; j’étais
à quelques mètres de lui.
Cusset oublie au moins Freddy Borgat.
lettre du 17 9 2014 :
Ce 11 juillet 1945, après
le discours du proviseur, voici que
s’élèvent, dans la cour de Pomme d’Or, les chants patriotiques que le chœur des
élèves a appris sous la direction de Mme Calvé, ici même, dans ces murs.
Comme on sait, au lendemain de la guerre, Guémené
honorera ses martyrs et donnera leurs noms à de nombreuses rues. L’ancienne Rue
Neuve portera le nom du professeur Emile Mazé. Il en sera de même du CES mixte
devenu collège Mazé en 1982 ou 83 (dernier mandat de Louis Hubert, maire).
O0O
Nous tenons à remercier l’Amicale
des Anciens Elèves du Lycée Dupuy de Lôme, particulièrement Jean Tréhin, son président, André
Daniel, auteur principal et coordonnateur de la rédaction du livre « La Pomme
d’Or », Marthe Carré-Ménahesse, Anne-Marie Thierry-Charles, et tous ceux qui nous ont ouvert
archives et photographies de ce temps.
Notre gratitude va à Denis Dérout, acteur et témoin le plus direct de
l’histoire dont le regard et le jugement ont conservé une acuité exemplaire.
Nous encourageons les personnes
intéressés par la Résistance dans le Morbihan, à consulter le site
internet : les Amis de la Résistance du Morbihan, qui couvre la période au
plus près.
Livres cités :
- La Pomme d’Or, le Lycée de Lorient à Guémené 1943-1945 ;
- Le Morbihan en guerre, par Roger Leroux ;
- Souvenirs de guerre d’un maquisard du pays pourleth, par M Léone et
Jean-Yves Mallégol, et Loïc Le Bouëdec.
Revoir sur le blog :
- Les anciens élèves de la Pomme d'Or *
- Guémené Août 1944 *
Revoir sur le blog :
- Les anciens élèves de la Pomme d'Or *
- Guémené Août 1944 *
merci !!!!!!!
RépondreSupprimerBeau travail et quel hommage! Il ne faut surtout pas oublier cette barbarie, elle peut renaitre. En Lettonie et Lituanie des néonazis ont défilé en "hommages" aux anciens nazis les premiers mois de 2016 après d'autres manifestations de la même inspiration en Ukraine.
RépondreSupprimerMerci. Depuis que j'entend parler de Mazé, de la rue Mazé, c'est maintenant pour moi plus clair. J'espère qu'on n'oubliera pas tous ces gars torturés . Respect pour ce travail .
RépondreSupprimerImpressionnant et lucide et complexe personnage que ce Mazé par son jugement "je suis trop laid".
RépondreSupprimerJe lui dirai simplement qu'il est un modèle dans son comportement,que "l'habit ne fait pas le moine", et que sa valeur, il l'a démontré est bien au dessus de tout ça. Merci encore pour ce site.
Bien pour les élèves participant au CNRD
RépondreSupprimerOuai c pa vré
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