LA PERMISSION d'un ZOUAVE POURLETH
1918
Depuis 1914, la population française est immergée dans la guerre au front comme à l'arrière avec toutes ses angoisses . A partir de 1916, les soldats sur le front ont pu bénéficier de courtes permissions (4 à 8 jours). C'est le retour près des siens et le récit du vécu. La photo devient une nécessité pour immortaliser cet instant, le soldat devant repartir et ré-affronter l'enfer.
A partir d'une photographie riche d'expressions, remplie d'émotions et d'interrogations, nous vous contons l'histoire d'un jeune Pourleth revenu voir les siens...
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Ploërdut, "Pêcherie", souvenir de la guerre 14-18
Permission d'un zouave en 1918 : embellie éphémère entre deux saisons en enfer
Joseph Le Fouillé est de retour au village. Il a retrouvé les siens. Il dort. Il ne sait pas s’il rêve. Il dort dans un lit et
non plus sur une banquette de terre taillée dans la tranchée. Quand il ouvre
les yeux, il voit le visage souriant de sa femme, il entend le gazouillis de
ses trois enfants ; déjà les aînés
font de l’escalade pour le rejoindre et lui tirer la moustache…
Ce jour-là, on a décidé de marquer l’événement que constitue
le retour du père en se rendant tous chez le photographe.
Comme la plupart des
soldats de la grande guerre, le permissionnaire fait ses visites en tenue
militaire. Evidemment propre et repassée, son épouse y veille. Marie Julienne a revêtu son plus joli costume pourleth
et a endimanché coquettement les enfants.
Les voici donc dans le studio posant devant une toile
peinte, un vague paysage noyé de ciel nuageux. Le bébé Elisa,
plantée debout sur la haute chaise, est ravie et tout excitée. Le garçon, Joseph, assis sur le rebord de la chaise dont il
cramponne l’accoudoir d’une main ferme, observe attentivement l’opérateur. L’aînée, Nathalie, debout, surveille également
la scène mais avec une certaine inquiétude. La maman pose d’un air grave et
beaucoup de solennité ; son regard tendu semble perdu dans un songe
intérieur.
Quant au papa, on le dirait absent. Il porte sur ses épaules toute la détresse du soldat désabusé, désorienté, et on lit dans ses yeux une lassitude extrême, une sorte d’angoisse sachant combien cet instant est fugitif et que, là-bas, au front, l’attend l’enfer du feu.
Quant au papa, on le dirait absent. Il porte sur ses épaules toute la détresse du soldat désabusé, désorienté, et on lit dans ses yeux une lassitude extrême, une sorte d’angoisse sachant combien cet instant est fugitif et que, là-bas, au front, l’attend l’enfer du feu.
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Le parcours de Joseph Le Fouillé est plutôt singulier. Jeune homme de
la classe 1909, il a été exempté au conseil de révision pour handicap léger ;
il n’est donc pas convoqué à la déclaration de guerre. Il s’est marié en
février 1911 à Langoëlan avec Marie Julienne ; ils y habitaient encore
quand naquit leur premier enfant, Nathalie, en mai 1912. Puis, ils s’installeront
à Péchery en Ploërdut, et c’est ici que verront le jour les 2 autres enfants
présents sur la photo : Joseph, en 1915, et Elisa en janvier 18.
Mais Joseph
n’échappera pas à la guerre.
L’hécatombe d’août 14 a été telle qu’un décret du
9 septembre rappelle les exemptés des classes antérieures.
Convoqué, il rejoint
le 62è régiment d'infanterie le 20 février 1915
à Lorient. Après un peu plus de 3 mois de classes, il est affecté au 1er régiment de zouaves en Région
Parisienne qu’il rejoint le 4 juin à St Denis. Puis, c’est le front où il
intègre le 3è régiment mixte de zouaves et tirailleurs
formé le 22 juin.
Sans vouloir suivre pas à pas
l’activité de cette unité, quelques rappels trouvés sur internet. En 1915, le
régiment a combattu dans les secteurs dangereux de Belgique. En mai 1916, il
est appelé sur Verdun. Il y sera
engagé dans les combats autour de la côte 304. En juillet, il connaîtra de
nouveaux épisodes difficiles, en particulier à Fleury, ravin des vignes. Après
une période de repos, il rejoint la Somme en septembre. En 1917, la bataille des Monts de Champagne où il se distingue.
Après cette période difficile, il rejoint un secteur relativement calme le long
de la Marne.
En raison des lourdes pertes, la composition
du régiment est fréquemment modifiée. Le 8 mai 1918, il est dissous par
décision du général en chef et fournit le noyau du 6è
régiment mixte de zouaves et tirailleurs en cours de constitution. Cette
nouvelle formation est aussitôt engagée en première ligne dans la bataille de
Champagne afin de contrer une offensive allemande de grande envergure. Le 1er
juin, le régiment est en partie décimé. Les survivants ne seront relevés que le
6.
S’ensuit une période de repos qui
va durer jusqu’au 17 juillet.
C’est
probablement dans cet intervalle que se situe la permission dont bénéficie Joseph et, par conséquent, le passage chez le
photographe.
Retour au front : le régiment
participe à la campagne de Champagne en juillet avant d’être appelée dans le
secteur de Noyon début août. Enfin, ça sera la reconquête « de l’Oise à la
frontière » qui se conclut par l’armistice du 11 novembre.
Joseph Le Fouillé a été
libéré le 26 mars 1919. Il est mort à Séglien en 1963. Profondément marqué par
la guerre, il lui arrivait d’éprouver de soudaines angoisses comme s’il se
retrouvait au front.
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A propos de la tenue
A partir de 1915, on a relégué
aux oubliettes la trop facilement repérable tenue traditionnelle des grandes
heures des régiments des zouaves. Finis la culotte bouffante blanche et le boléro
rouge flamboyant ! On a adopté un drap vert moutarde passe-partout (kaki) ;
la chéchia, auparavant coiffure de combat est désormais une coiffure portée au
repos ; des images laissent à penser qu’elle est toujours rouge, d’autres
disent qu’elle était bleue.
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Notes et compléments
Très peu de conscrits bretons ont fait leurs classes ou ont
été rappelés en 1914 chez les zouaves alors qu’ils étaient nombreux dans les
régiments d’infanterie coloniale et d’artillerie coloniale (attachés aux ports
de Lorient et Brest).
Merci à Anne Allanic pour cette photo très émouvante de ses grands-parents. La petite Nathalie était sa mère.
comme c'est drôle grâce à ce document, je retrouve une part de mon histoire familiale : je suis Nathalie NICOL du 12 rue Raymond Voisin AU Pont Bihan.
RépondreSupprimerPourrait-on se rencontrer ?
Si je comprends bien votre message, nous serions parentes ? C'est possible car mon grand-père avait de la famille à Guémené, je vous mets mon Email : guegan.allanic@wanadoo.fr ainsi que mon n° de téléphone : 02 97 25 35 80, j'habite Pontivy, je ne suis pas très loin.
SupprimerJe vois à peu près où vous habitez, Pont-Bihan est sur la vieille route de St Caradec?
A bientôt
cordialement
Anne
Bonsoir Madame,
RépondreSupprimerAfin de pouvoir vous répondre, pouvez-écrire à guemenesscorff@gmail.com
Merci