31/10/2019



IL ÉTAIT DEUX FOIS dans l'OUEST-FRANCE


Le journal des petites annonces
Région Bretagne : perdu un million de mètres carrés de poulaillers. 
Forte récompense à qui les rapportera. 
S’adresser au journal qui transmettra.
A propos d’une interview rapportée par Ouest-France, 26 9 19*

Le commun des mortels, n’ayant suivi que le modeste cursus de l’école obligatoire, ne connaît de mètre carré que l’unité de surface. Quand il recherche un appartement, ça lui sert à estimer les besoins de sa famille et à en évaluer le coût.
Il apparaît qu’en Région Bretagne, on raisonne autrement dans les poulaillers. Un peu de la manière suivante. Supposons que l’on crée une structure d’accueil pour des stages de formation en faveur de nos jeunes pousses footballistiques. Disons une agréable résidence de 20 m sur 50 m (1000m2), de plain-pied, sobre mais tout confort : air conditionné comme au stade olympique de Doha (Qatar), télévision dans toutes les pièces de vie, casque à musique, smartphone dernier cri, salle de muscu, staff d’entrainement, pardon de coaching, staff médical, etc. Bien entendu, terrain de 100 m sur 100m (10 000m2), où les équipes feraient chaque jour leurs deux mi-temps réglementaires de 45 minutes. En langage poulailler, cette couveuse se verrait ainsi créditée de 11 000 mètres carrés. On notera que le nombre de personnes vivant dans la structure n’est pas précisé.
Eh bien, même reproche dans l’article, il manque aux mètres carrés leur équivalent « poules ».
Est-ce donc la même chose qu’une poule dispose en résidence confinée d’un espace vital de 1m2 ? de 10m? Est-ce la même chose si elle partage son m2 avec 9 congénères ? Ou plus encore ?
A partir de 100m2 par volaille, on est carrément dans le comique des poules pondeuses, auxquelles on offre des séances théâtrales, et qui font le buzz sur internet ; une Bretagne de rêve pour Roxane et ses compagnes, film salué par le quotidien régional.


Ça, c’est du cinéma. Ici il s’agit de tout autre chose, du sérieux
Si sérieux, pourquoi les promoteurs de poulaillers industriels s’abstiennent-ils de donner l’équivalent en poules du fameux m2, perdu ou à créer ? Idem, l’équivalent en exploitations disparues du million de m2 perdus ? Idem encore le détail en exploitations moyennes, familiales, credo de la Région Bretagne selon son président ? Et, tant qu’on y est, le rappel des mesures proposées par ladite Région pour les sauver au temps du naufrage.

Questions subsidiaires:
Combien d’exploitations moyennes et familiales sont incluses dans les projets de Néant-sur-Yvel et de Langoëlan ? Quel est le montant de l’effort financier consenti par la Région ? Ainsi chacun pourra apprécier la réalité du credo.
Enfin, quel est l’impact environnemental du projet ? air, eau, odeurs, pollutions, transports ?
Après quoi, on pourra peut-être sainement juger si la Bretagne montre le chemin. Creux ?
Autre chose que de pourfendre un pays de l’Union Européenne à propos du bien-être animal et des conditions de travail ! Comme si la Bretagne était un modèle en la matière : ah Dieu ! veaux, vaches, cochons, couvées… Et, pour ne froisser personne, on laissera passer Noël avant d’évoquer le foie gras et le confit de canard, tout sauf une spécialité polonaise.


A part ça l’article n’oublie (presque) personne : le président est cité, le terme pragmatique aussi, mot de passe obligé des porteurs d’encens du pouvoir. Tout va donc pour le mieux, la Région Bretagne sous la République en marche a largué les amarres et taille la route. Rien de commun avec le régime absolu de Louis XIV et de son ministre Colbert (fondateur de la Compagnie des Indes Orientales). Le Conseil Régional se porte candidat pour conduire les répartitions de l’argent de la Pac (Politique agricole commune) qui s’appuie sur deux piliers comme une solide et fière équipe de rugbymen. Sapristi ! Nos Bleus ont changé de couleur !


Le journal des Grandes Annonces 
« Les gens doivent faire confiance aux agriculteurs », estime Nicole Le Peih...
et pointe du doigt les consommateurs schizophrènes.
Dois-je faire confiance aux agriculteurs ?
Ouest-France 13 oct. 2019     


Oh, ça remonte à loin, au mois d’octobre 1950. Je me souviens de mon frère âgé de 12 ans, occupé à remplir son sac des châtaignes tombées en bordure d’un champ en jachère. Un grand escogriffe de paysan lui est tombé sur le poil, lui a passé une avoine et a confisqué le sac qui devait bien contenir 3 kilogrammes de marrons sans compter les poignées d’herbes aux lapins.
Par contre, une autre exploitante nous autorisait à fouiller sous les feuilles mortes de sa châtaigneraie après qu’elle eût gaulé ses châtaignes greffées.
La même nous permettait de glaner les épis de blé perdus sur les champs moissonnés. Et nous offrait un verre de cidre quand nous rentrions fourbus d’une piquante équipée de cueillette de mûres le long des chemins ou d’une récolte de pommes de pins.


Tout ça, c’était avant le remembrement. Aujourd’hui, depuis le dos craquelé du Val sans Retour en Brocéliande, on aperçoit les rondeurs moutonnantes de Taupont. Pour un peu, avec un bon drone, on pourrait suivre le serpentin de la rivière Yvel et, évidemment, suivre au plus près dans l’étang au Duc de Ploërmel l’harmonieuse progression du ballet aquatique des algues bleues.



La question n’est pas de savoir si on fait confiance ou pas aux agriculteurs. La question est tout à la fois de leur permettre de vivre correctement en exploitant leurs terres sans pesticides, et de fournir aux consommateurs des produits authentiques, sains et goûteux.

Je suis un consommateur schizophrène

Au marché, je vois ces fruits : rouges, verts, noirs, ronds, ventrus, allongés (pas encore carrés mais ça viendra) qui ressemblent à des tomates mais qui n’en ont ni l’odeur ni la saveur.
Laissez-les au soleil sur le balcon, ils ne muriront pas. Moins de fantaisie côté nectarines, même punition. Fléchage poubelle.

Je suis un consommateur schizophrène
J’achète des endives, un kilogramme par semaine. Cuites, le trognon central devient à peu près comestible. Surtout avec du gratin. Il paraît qu’on hybride l’endive et le tournesol (lui-même OGM). Sûrement des racontars de jaloux malveillants !

Je suis un consommateur schizophrène.
J’aime la compote de pommes faite maison. Je craque pour les belles reinettes rouges à l’étalage, 5, un gros kilogramme. Avant de les éplucher, je les ouvre en deux : 3 sur 5 sont blettes de l’intérieur.

Je suis un consommateur schizophrène.
Comment ne pas succomber aux fraises si renommées de Plougastel ? En plein mois d’août, une nouvelle variété, chic ! des gariguettes ! Ah ! La garrigue bretonne ! Sur l’assiette, elles présentent de belles formes et je peux même en faire des compositions comme avec des jouets en plastique pour bébés. Aucune saveur.
Sucrons, sucrons énergiquement nos fraises de Plougastel ! Ajoutons-y de belles giclées de crème Chantilly ! On peut aussi les accommoder avec du poivre. Je n’ai pas osé le sel de Guérande !

Je suis un consommateur schizophrène.
Je ne consomme plus de crêpes de blé noir depuis que j’ai vu décongeler devant mes yeux une pâte qui ressemblait à la pâtée au son qu’on servait aux cochons dans les fermes d’autrefois.

Je suis un consommateur schizophrène.
J’ai abandonné les petits beurres LU de mon enfance et tous les autres biscuits de la marque qui utilisent l’huile de palme. Je m’autorise seulement les derniers réfractaires : les Lulu à la framboise.

Je suis un consommateur schizophrène.
J’ai la nostalgie du lait caillé que nous préparions à partir du lait fourni tout chaud de la traite. Les yaourts fruités me font penser à des pots de peinture.


Je suis un consommateur schizophrène.
Un éleveur montagnard m’a expliqué dans son langage fleuri comment il est contraint de vendre ses agneaux au Maroc depuis que les productions australiennes « élevées au milk » cassent les prix et envahissent le marché européen.

Je suis un consommateur schizophrène.
Il parait, mais que ne dit-on pas, que les cochons bretons s’offrent le voyage en Italie et nous reviennent sous forme de jambon de Parme. Il faudra que j’essaie le mariage avec le Camembert breton, de quoi épater les copains. S’ils n’aiment pas, je pourrais toujours leur servir un poulet de Langoëlan fourré aux châtaignes du Portugal ; avec beaucoup d’épices et de curry, ils n’y sentiront que du feu ! Et certainement pas le goût des châtaignes du Pénety !

Je suis un consommateur schizophrène.
J’adore la route qui relie Josselin et Pontivy. Surtout l’automne, à la nuit tombée, quand il pleut. Une bonne demi-heure de paysages lugubres qui renvoie aux Hauts de Hurlevent, yeux de chats brillant comme des braises, frissons garantis comme dans les montagnes russes de Luna Park. Il se murmure que cette départementale sera concédée à Vinci (ne pas confondre avec Léonard) à charge pour cette société, « acteur mondial des métiers de la concession »  de la moderniser, donc de la péager.


Je suis un consommateur schizophrène.
En fait, je suppose qu’à Pontivy c’est comme partout en France (voir « des Racines et des Ailes »). On doit bien trouver de bons restaurateurs privilégiant les produits authentiques du terroir et de la mer. Du moment qu’on met le prix ! Peut-être même un fana des étoiles et de la Haute Cuisine Française, type Marcellin Duprat que Romain Gary met en scène dans son livre « Les cerfs-volants ». Mais je suppose que son Alice conseillera à Madame la députée cet ouvrage. On y trouve aussi la réflexion suivante « Le comique a une grande vertu : c’est un lieu sûr où le sérieux peut se réfugier et survivre ».

Je suis un consommateur schizophrène.
Je remercie Mme Nicole Le Peih de son diagnostic (lire le titre *). Ce qui me mine et qui m’obsède, c’est qu’il pourrait germer dans un de ces esprits fragiles, perturbés, disons le mot malades du cerveau, l’idée de la poursuivre en justice pour exercice illégal de la médecine. Trop drôle, non ? Il est vrai qu’elle ne nous a pas fait payer la consultation ! Toujours autant de gagné pour la Sécurité Sociale…
A main gauche, les schizophrènes (nous), les autistes (Greta et les jeunes, insolubles dans le pragmatisme et soupçonnés d’être instrumentalisés) et les pauv’ cons (les mêmes et quelques autres mais en version Sarko) ; à main droite les gens de goût, le regard fixé sur leur smartphone, CAC40, actualité saignante entre deux tartines de publicité sourire enjôleur et guide shopping. On s’en fout de la Planète bleue ! On va avoir la 5G. On pourra endormir les poules avec les nocturnes de Chopin et les réveiller en imitant le chant du coq (un lointain cousin pas encore génétiquement modifié).

COCORICO !

Comme un retour au temps candide de notre petite enfance. Quand nos amies les bêtes donnaient de la voix…

et savaient se faire entendre, mettant en fuite les indésirables.

Je remercie le blog de Guémené de bien vouloir diffuser cette chronique. Raymond Hellio



* L’article 1.
Agriculture. La Bretagne veut gérer elle-même toute la Pac 
(Ouest-France), le 26 Sept. 2019 à 16 h 38)
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1 commentaire:

  1. Merci Raymond un premier novembre qui sort de la grisaille et pour l'apérétif
    https://www.youtube.com/watch?v=2uey1oHqIAE
    JR

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